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brièveté, compte sans doute pour quelque chose, qui a même été plus féconde que bien des sessions plus longues. La légalité n’est donc que médiocrement en jeu, et dans tous les cas elle est visiblement susceptible de plus d’une interprétation.

Quant à l’opportunité, elle n’est point douteuse, elle ressort, de l’ensemble de la situation actuelle. On ne peut rester longtemps dans cette crise de transition qui laisse le pays entre un régime abrogé et un régime qui n’existe que de nom. Pour le gouvernement comme pour le corps législatif, c’est une nécessité impérieuse d’aborder cet ordre nouveau où l’un et l’autre vont se trouver placés dans des rapports qui ne sont certainement plus les mêmes. C’est plus qu’une nécessité, si l’on peut ainsi parler, c’est une garantie de la sincérité du gouvernement. Qu’on remarque bien que si ce corps législatif qui est sorti des dernières élections se compose toujours des mêmes hommes, il n’est plus ce qu’il était il y a trois mois. Il a dès ce moment des droits qui lui assurent un rôle plus actif et presque prépondérant dans les affaires publiques. Qu’on le veuille ou non, rien n’est plus possible sans son concours ni dans la politique intérieure, ni dans la politique extérieure ; mais, pour qu’il entre vraiment dans son rôle, il faut tout au moins qu’il soit debout, qu’il puisse se constituer, il faut qu’une majorité ait pu se former, qu’entre le parlement et le ministère il ait pu s’établir des relations conformes aux institutions nouvelles. Il faut enfin que cette crise de transition qui se prolonge depuis trois mois soit définitivement accomplie, et elle ne peut l’être que par une convocation aussi prompte que possible du corps législatif. L’opportunité est donc aussi évidente que le point de légalité peut être obscur. Politiquement, la question est tranchée par ce fait même, que le corps législatif est aujourd’hui le seul pouvoir qui ne soit point organisé.

L’erreur singulière de ceux qui depuis quelques jours pressent le gouvernement de leurs sommations et sont entrés en campagne pour la réunion du corps législatif, c’est de déplacer les termes du problème, de s’armer de cette légalité douteuse et d’assigner de leur propre autorité un terme au-delà duquel tout serait perdu sans doute. Quoi donc ! ne s’est-il pas trouvé des députés menaçant gravement de se réunir sans faute, et quoi qu’il arrive, le 26 octobre, dans la salle des séances, à deux heures de relevée, pour renouveler quelque serment du jeu de paume ? Ce n’est pas tout d’écrire de ces choses et de donner de ces rendez-vous. Il faudrait réfléchir un peu et ne pas s’exposer au ridicule des parodies inutiles, des tentatives très disproportionnées dans tous les cas avec le but qu’on veut atteindre. Et quand même ces députés un peu ambitieux de bruit se réuniraient le 26 octobre sans avoir été convoqués, que feront-ils ? Pensent-ils sérieusement qu’ils vont passionner le pays pour une différence de quelques semaines dans la date de la