Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/690

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dorsale, et deux balles furent trouvées aplaties dans la nuque et les mâchoires. Les ouvriers chinois le rapportèrent suspendu à une perche, et M. Wallace se mit en devoir de préparer la peau et le squelette, qui figurent maintenant au musée de Derby.

Une autre fois M. Wallace fut appelé par un Chinois pour tuer un grand maias qui s’était montré près de la demeure de cet homme. Une première balle lui ayant cassé le bras, le singe monta néanmoins à la chue de l’arbre où il se trouvait, et avec sa main intacte se mit à casser des branches qu’il disposa avec art pour s’y faire un nid. Plusieurs balles qu’il reçut encore successivement ne lui firent pas quitter sa cachette, bien que chaque fois un soubresaut de l’animal indiquât qu’il était touché. A la fin, il parut s’affaisser, et la tête resta immobile sur le bord du nid improvisé. L’arbre était trop épais pour être coupé le même jour. En revenant le lendemain, M. Wallace trouva tout comme il l’avait laissé, et il fut évident que le singe était bien mort. Il offrit alors à quatre Chinois le prix d’une journée de travail, s’ils voulaient se charger d’abattre l’arbre ; mais ces hommes refusèrent après avoir essayé le bois, qui était fort dur. « En leur offrant le double, dit M. Wallace, j’aurais pu les décider, mais je m’en gardai bien, car personne n’aurait plus voulu travailler pour moi à moins. Le singe resta donc sur l’arbre, et pendant plusieurs semaines nous vîmes toute la journée un essaim de mouches bourdonner autour du nid ; au bout d’un mois, elles disparurent, et nous jugeâmes que le cadavre devait être complètement desséché sous l’influence d’un soleil tropical qui alternait avec des pluies torrentielles. Deux ou trois mois plus tard, deux Malais, séduits par l’offre d’un dollar, grimpèrent à l’arbre et en arrachèrent les restes momifiés du singe. La peau était à peu près intacte et collée sur le squelette ; au-dessous pullulaient d’innombrables larves de mouches et quelques milliers de petits coléoptères de la tribu des nécrophages. »

M. Wallace trouva un jour à côté d’une femelle qu’il venait de tuer un petit qui était tombé avec la mère et qui mesurait à peine 30 centimètres. Lorsqu’on l’eut retiré de la boue dans laquelle il était enfoncé, il se mit à crier d’une manière lamentable. M. Wallace l’emporta chez lui ; chemin faisant, le petit animal lui saisit la barbe et s’y cramponna si fort qu’il ne fut point aisé de lui faire lâcher prise. Il n’avait pas encore de dents ; mais peu de temps après il fit ses deux premières incisives. Pour le nourrir, il aurait fallu du lait ; cet article était introuvable dans le pays. On essaya d’élever la pauvre créature au biberon avec de l’eau de riz à laquelle on ajoutait de temps à autre du sucre et du lait de coco pour la rendre plus nourrissante. Le petit singe s’accommodait assez mal de cette maigre diète, et lorsqu’on lui tendait le doigt, il se jetait