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plusieurs siècles se rouvrent tout à coup et détruisent les villages malais audacieusement perchés sur leurs flancs. L’éruption du Papanda-Yang de Java, en 1772, a enseveli quarante villages ; celle du Tomboro, en 1815, a coûté la vie à 12,000 habitans de l’île de Sumbava.

Ce développement si imposant des forces souterraines présente cependant tous les caractères d’un phénomène relativement récent qui n’a pas encore effacé les vestiges de la distribution ancienne des terres et des eaux. Le détroit qui divise l’archipel en région indo-malaise et région austro-malaise, comme les appelle M. Wallace, sépare deux mondes. La faune et la flore de la première région attestent qu’elle a fait partie du continent asiatique, dont elle n’a été détachée, selon toute apparence, qu’à une époque peu reculée, par l’affaissement graduel d’une partie du sol, miné par les éruptions volcaniques. L’éléphant, le tapir, le rhinocéros de Sumatra, le bétail sauvage de Java et de Bornéo, appartiennent à l’Asie méridionale ; les oiseaux et les insectes de ces îles offrent également la plus grande ressemblance avec ceux du continent. On ne peut pas rendre compte de ce fait par des migrations récentes, car, si l’on excepte les espèces voyageuses, l’oiseau et l’insecte sont arrêtés par l’eau ; ils restent confinés dans les îles qu’ils habitent. L’air de famille que l’on remarque dans les productions de la région indo-malaise et dans celles de l’Asie ne s’explique donc que par l’hypothèse de la communauté d’origine de ces terres. Au-delà du détroit, à l’est de Célèbes, la flore et la faune portent le cachet de l’Australie, dont les étranges produits semblent être les derniers représentans d’un autre âge du globe. En passant, par exemple, de l’île Bali à l’île Lombok, éloignée à peine de 30 kilomètres de la première, mais située du côté opposé du détroit, on visite en quelques heures deux contrées qui diffèrent l’une de l’autre autant que l’Europe diffère de l’Amérique.

Ces contrastes entre les deux régions de l’archipel malais frappent d’autant plus qu’ils ne correspondent nullement à des différences tranchées dans les conditions physiques de ces pays. La Nouvelle-Guinée ressemble à Bornéo par son climat, par l’aspect général de la végétation et par l’absence de volcans ; mais la faune est tout à fait dissemblable dans les deux îles, tandis que les plaines de sable de l’Australie produisent encore aujourd’hui les oiseaux qui peuplent les épaisses et humides forêts de la Nouvelle-Guinée et des îles voisines. C’est en étudiant cette démarcation persistante des faunes d’origine diverse que le naturaliste parvient à retracer les limites d’anciens continens engloutis par les eaux, et à compléter l’histoire des révolutions du globe sur des points qui échappent aux moyens d’investigation des géologues.

L’espoir de mettre en pleine lumière cette ancienne division de