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insuffisance de chacun des sexes pris séparément serait en réalité l’unique cause de la nécessité du concours qu’ils se prêtent, si les cas de parthénogenèse cités par plusieurs auteurs étaient entièrement avérés. Celui de M. Jourdan, relatif aux femelles de vers à soie, est des plus remarquables : sur 58,000 œufs pondus en dehors du contact du mâle, un grand nombre auraient traversé l’état embryonnaire, c’est-à-dire auraient paru susceptibles de développement, 29 seulement auraient donné des vers. Dans ce cas, si le fait était incontestable, l’énergie vitale aurait seule fait défaut, et la différence entre les deux générations consisterait surtout en ce que la reproduction sexuelle serait progressive, qu’elle ferait passer le produit sorti d’elle par une série d’états successifs qui, en lui procurant l’avantage d’une élaboration plus lente et plus graduée, lui assurerait celui plus évident encore du croisement. Quant à la variabilité, qui joue un si grand rôle chez les êtres vivans, soit pour les changer peu à peu, soit pour faire naître en eux des différences que l’hérédité consolide, elle serait, dans l’hypothèse de la pangénèse, une conséquence directe des modifications éprouvées par chaque cellule, et qu’une foule d’impressions, d’habitudes et d’influences de toute sorte ne manqueraient pas de provoquer. Les gemmules successivement émises porteraient la trace de ces changement, qui se transmettraient ensuite comme tout le reste. On conçoit en effet que ces gemmules modifiées suivraient la même marche que les autres, et pourraient, comme elles, prendre place dans le nouvel organisme, ou demeurer latentes pour se montrer ensuite après un sommeil plus ou moins prolongé.

Ainsi tout s’expliquerait sans peine à l’aide des gemmules diversement combinées et transmises, ce qui se passe au fond de l’organisme deviendrait clair et simple ; mais cette simplicité même a lieu d’étonner lorsque l’on observe tant de combinaisons dans les phénomènes de la vie. N’est-ce pas à l’aide de complications croissantes et variées à l’infini, que la nature arrive à ses fins, à mesure qu’elle tisse la trame organique des êtres supérieurs ? Si tout vient d’une molécule vivante, si le point de départ de tout être nouveau est une cellule, comment concevoir ces amas de gemmules innombrables, déjà en partie agrégées, dont l’existence complexe serait si peu en rapport avec la simplicité d’appareil des premières cellules de l’embryon ?

La génération, quel que soit le mode par lequel elle procède, prolonge l’individu qui engendre par celui qui est engendré ; mais nous ignorons justement la nature de ce prolongement. Le nouvel être emporte-t-il toutes les parties élémentaires de celui dont il sort, ou bien reçoit-il simplement de lui une impulsion décisive qui détermine non-seulement son plan de structure, mais la forme même des