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enfans des caractères possédés par les parais, l’hérédité seule agit. Cette ressemblance est ce qui nous frappe le plus dans l’hérédité. Quoi de moins varié que les individus d’un même troupeau, que les cerfs d’une même contrée, que les lièvres, les loups, les renards, comparés les uns aux autres ? Cependant, même chez les animaux les plus semblables en apparence, la diversité n’existe pas moins, puisque les animaux sauvages se reconnaissent entre eux, et que le berger distingue sans hésiter chacune de ses bêtes. Les individus les plus analogues possèdent donc une physionomie qui leur est propre ; chez quelques-uns, ces différences peuvent accidentellement devenir plus saillantes, et enfin, s’il se produit des particularités entièrement nouvelles, elles n’en seront pas moins sujettes à la transmission héréditaire. Dans ce dernier cas, l’hérédité n’agit pas seule. Pour expliquer cette variation, lorsqu’elle est sans précédent et qu’elle ne saurait être attribuée ni à l’hérédité proprement dite, ni à l’hérédité éloignée ou atavisme, il faut nécessairement recourir soit à l’action spontanée de l’organisme, soit à l’influence des circonstances extérieures. Ces deux causes se combinent en effet pour faire surgir de nouveaux caractères, et dans beaucoup de cas il est difficile de décider si c’est l’une plutôt que l’autre que l’on doit invoquer de préférence. Cependant on a vu se manifester parfois des particularités organiques tellement imprévues qu’il est difficile d’admettre que les circonstances extérieures y aient contribué en quelque chose : ainsi l’homme porc-épic dont l’épiderme portait des appendices cornés en forme de plaques raides, sorte de carapace qui muait périodiquement, ne devait à aucune cause externe cette singulière défense qu’il transmit à plusieurs de ses descendans. La plupart des monstruosités animales, les porcs à deux jambes cités par M. Hallam, les lapins à oreilles pendantes, sont dans le même cas, et l’organisme seul, obéissant aux forces qui le dirigent, a dû certainement les produire. Même lorsqu’il faut invoquer l’action des milieux, l’organisme demeure toujours la source première de tous les changemens ; les circonstances extérieures ne sont que l’occasion ; l’organisme est le centre et le point de départ des diversités qui surviennent et qui se consolident plus tard par l’hérédité.

Si l’organisme était entièrement livré à lui-même, c’est-à-dire si les circonstances extérieures ne changeaient pas, il s’établirait par ce seul fait une très grande uniformité chez les êtres vivans. Cette uniformité serait telle que des formes particulières apparaîtraient rarement et se maintiendraient plus rarement encore. On peut même ajouter que, sous l’empire permanent d’un pareil état, la somme des ressemblances parmi les êtres animés dépasserait de beaucoup celle des différences ; mais il n’en est pas ainsi, les circonstances extérieures peuvent et doivent changer. Rien n’est stable et définitif