Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/660

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ensuite varié dans des limites considérables ; mais ces diversités pour eux ne dépassent jamais une certaine mesure, et les races domestiques, une fois abandonnées à elles-mêmes, ne tardent pas de reprendre leurs caractères primitifs. Ainsi, pour cette école, toutes nos races domestiques remonteraient à une, au plus à deux ou trois espèces qu’on ne saurait identifier avec les espèces libres similaires que lorsqu’on observe une fécondité réciproque sans limite. Quelques-unes des races domestiques auraient continué d’exister à l’état sauvage, tandis que d’autres auraient été entièrement subjuguées par l’homme. — D’autres esprits sont plus exclusifs ; à leurs yeux, les moindres dissemblances appréciables entre les êtres vivans deviennent des différences radicales. Il leur paraît impossible que la diversité des formes ne soit pas la preuve d’une origine distincte pour chacune d’elles ; ils admettent donc sans peine la pluralité des souches sauvages d’où les races domestiques seraient issues. Chaque race de porc, de bœuf, de mouton, chaque variété de poire, de pêche, de cerise, seraient descendues d’autant d’espèces primitivement sauvages. — Tout autre serait la signification donnée aux races domestiques par la dernière école, en tête de laquelle est venu se placer M. Darwin. Elles seraient le produit d’une série de modifications d’autant plus variées que les voies suivies pour les obtenir auraient été plus diverses. L’homme, poussé par le besoin, l’instinct ou le caprice, serait venu faire ce que faisait avant lui la nature par des moyens plus lents. Il aurait fourni à des types naturellement plastiques l’occasion de se transformer, et son intérêt l’aurait porté à fixer autant que possible les résultats de ces transformations. Le problème serait d’ailleurs très complexe, si, comme l’assure M. Darwin, la domesticité avait eu pour effet principal d’activer la fécondité mutuelle des êtres qui l’ont subie, en sorte que les descendans d’espèces distinctes auraient pu devenir susceptibles de se rapprocher et de reconstruire une race mélangée là où, en dehors de l’homme, les deux types seraient restés isolés ou même hostiles.

Cette considération, que l’origine presque assurée de certaines races de chiens par le loup rend très vraisemblable, jette une confusion de plus sur la filiation des races domestiques. Aussi le savant anglais, dans sa discussion des origines, a-t-il eu recours à tous les indices. C’est ainsi qu’il a mis dans son jour ce phénomène important et peu mentionné avant lui, que dans bien des cas les animaux rendus à la liberté, loin de reprendre des caractères uniformes, conservent une partie de ceux qu’ils doivent à l’intervention de l’homme, et forment, sous l’influence des conditions nouvelles qu’ils subissent, des races particulières et définitives. — Il en est ainsi en particulier du chien, dont l’histoire est d’autant plus obscure que sa domestication est plus reculée et plus universelle.