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Cette vitalité reporte le berceau de la plupart d’entre eux à une époque bien plus éloignée, malheureusement très pauvre en documens fossiles. D’un autre côté, les herbes font presque entièrement défaut. Pourtant, si l’on considère les plantes ligneuses, dont l’histoire est assez bien connue, on voit chaque genre représenté durant plusieurs périodes par une suite d’espèces assez peu différentes de celles que nous avons sous les yeux. Les liens de filiation réciproque sont d’autant plus saisissables que, pour beaucoup de ces séries, nous possédons à l’état vivant le terme définitif auquel l’évolution graduelle du type est venue aboutir. On découvre alors des coïncidences remarquables. Lorsque en effet les particularités de structure, de distribution géographique, qui distinguent une plante de nos jours se trouvent en rapport exact avec ce que l’on sait d’une ou plusieurs espèces fossiles du même genre, il est légitime de ne pas s’arrêter devant certaines variations de détail et de regarder la plus récente des deux espèces comme une continuation directe de l’autre. Agir autrement, ce serait renoncer à tout ce que l’analogie et l’induction offrent de ressources, c’est-à-dire à la méthode même. Eh bien ! en acceptant ces prémisses, on peut dire qu’il n’est pas d’arbre ou d’arbuste en Europe, dans l’Amérique du Nord, aux Canaries, dans la région méditerranéenne, qu’on ne rencontre à l’état fossile sous une forme spécifique plus ou moins rapprochée de celle d’aujourd’hui. Presque toujours un type très anciennement développé touche maintenant à son déclin, de même qu’une apparition tardive est souvent la marque d’une grande extension actuelle. Les affinités végétales entre l’Europe et l’Amérique du Nord, dont l’existence a été plusieurs fois proclamée, sont bien plus étroites encore lorsqu’on interroge les périodes antérieures. Si les animaux éteints de Pikermi ont révélé à M. Gaudry une liaison visible avec ceux qui habitent maintenant le centre de l’Afrique, la flore fossile du midi de l’Europe trahit à la même époque les mêmes tendances, et les îles Canaries semblent représenter le point où le double courant, américain et africain, est venu se confondre. Les terres polaires, dont la végétation tertiaire est bien connue grâce à l’infatigable M. Heer, ont constitué aussi dans le même temps une région mixte où les formes associées des deux continens s’étaient donné rendez-vous. Les arbres géans de la Californie, le dragonnier de Ténériffe, le thuya de l’Algérie, ne sont que les derniers survivans d’arbres dont la présence a été constatée dans l’ancienne Europe. Le cyprès chauve de la Louisiane fournit l’exemple d’un végétal autrefois répandu dans l’Europe entière, et qui, après l’avoir quittée, a continué à vivre en Amérique sans éprouver aucun changement. Même lorsqu’on constate des différences entre les espèces fossiles et les espèces vivantes similaires, elles ne sont