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se placent entre les civettes et les chiens, entre les civettes et les hyènes. Le singe de Pikermi confine aux semnopithèques par le crâne et aux macaques par les membres ; plutôt marcheur que grimpeur comme les macaques, vivant de rameaux autant que de fruits, se réunissant en petites troupes intolérantes pour toute autre espèce que la sienne, tel a dû être ce singe, dont M. Gaudry a pu restituer jusqu’à l’instinct par les inductions tirées de toutes les parties conservées de son squelette.

La liaison graduelle des types d’une même série se laisse voir d’une manière remarquable dans la famille des éléphans, autrefois composée de trois genres, dont deux sont entièrement éteints, et le dernier se trouve réduit aux éléphans d’Asie et d’Afrique. Le type du dinothérium, le plus ancien des trois, est aussi celui dont les tendances vers d’autres groupes, entre autres vers celui des morses et des lamantins, s’accusent le mieux, tandis que par sa dentition fixe le dinothérium différait beaucoup des éléphans et même des mastodontes. Il en avait pourtant l’aspect, la masse, la trompe et les défenses, sans doute aussi les instincts et les mœurs. Les mastodontes avoisinent bien plus les vrais éléphans, surtout celui d’Afrique ; les collines de leurs molaires se rapprochent, s’amincissent et se plissent dans certaines espèces de manière à revêtir le caractère distinctif de celles de ce dernier genre ; c’est à travers une longue série de formes intermédiaires que l’on arrive jusqu’à celui-ci. Les mêmes remarques s’appliquent à d’autres groupes, comme les rhinocéros, les tapirs, les chevaux, les cerfs, les bœufs ; il est très difficile de déterminer les limites réciproques des espèces anciennes. A mesure que l’on touche à des temps voisins des nôtres, on voit constamment dans l’un ou l’autre règne chacune de nos espèces vivantes ou récemment éteintes précédée par des espèces fossiles qui n’en diffèrent que par de minimes détails de structure. Dès lors quoi de plus naturel que d’admettre une filiation dont on découvre pour ainsi dire tous les degrés ? De l’éléphant « antique » à celui d’Asie et de l’éléphant « méridional » à celui d’Afrique, la distance est déjà bien faible ; mais du grand hippopotame fossile à celui de nos jours, qui a jadis habité le bassin de Paris, de l’ours des cavernes à l’ours brun, du bœuf primitif et du cheval tertiaire à notre bœuf et à notre cheval, l’intervalle se réduit presqu’à rien, si l’on tient compte d’une foule d’intermédiaires successifs.

M. Schimper, en interrogeant le règne végétal, a obtenu les mêmes réponses et expliqué de même par l’évolution le développement progressif du monde des plantes. Notons cependant quelques points essentiels : les genres et les familles ont généralement une vie plus longue chez les végétaux que chez les animaux supérieurs.