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mettre ici ? — Ma tante et maman. — Pourquoi ? — Parce que deux nuits de suite j’ai été coucher dehors, près des murs du Père-La-chaise. — Et pourquoi as-tu découché ? — Parce qu’il fait trop chaud à la maison.

Des numéros de différente couleur, marqués sur la plaque indicative, distinguent les diverses catégories auxquelles les détenus appartiennent. Le noir est réservé au prévenu, le rouge aux enfans de la correction paternelle ; le noir et un chiffre individuel sont attribués aux condamnés. Lorsque j’ai visité la maison le 15 juin 1869, elle était fort silencieuse et comme abandonnée ; elle ne renfermait que 151 prisonniers : 82 détenus à la requête de leur famille, 31 prévenus attendant le jugement, 19 condamnés à moins de 12 mois, 19 condamnés à plus d’un an. Pendant l’année 1868, le mouvement général a été de 1,171 entrées et de 1,207 sorties ; au 31 décembre, il restait 149 enfans sous les verrous, et le total, des journées de travail avait été de 65,071. Actuellement la Petite-Roquette ne poursuit plus le grand but d’utilité pour lequel son vrai fondateur l’avait créée à nouveau. L’impératrice, émue d’un discours prononcé le 13 juin 1865 devant le corps législatif par M. Jules Simon, se rendit à la maison de correction paternelle, l’examina en détail, interrogea tous les détenus les uns après les autres, et, trouvant que le régime auquel on soumettait les enfans n’était point compatible avec leur âge, institua une commission dont elle prit la présidence, et dont un député fut nommé rapporteur. On devait étudier la question et décider si la détention prolongée des enfans à la Petite-Roquette n’était point contraire à l’esprit de la loi du 5 août 1850, qui dit : « Article 3. Les jeunes détenus acquittés en vertu de l’article 66 du code pénal comme ayant agi sans discernement, mais non remis à leurs parens, sont conduits dans une colonie pénitentiaire… Article 4. Les colonies pénitentiaires reçoivent également les jeunes détenus condamnés à un emprisonnement de plus de six mois et qui n’excède pas deux ans. » Était-on vraiment en dehors d’une loi évidemment faite pour les enfans de la campagne ? Le point était discutable ; mais, ne l’aurait-il pas été, le sentiment qui avait motivé l’infraction était tellement humain et généreux qu’on aurait dû en tenir compte. La commission devait apprécier « si c’est la loi qui doit être amendée, ou si c’est le système de détention suivi à la Roquette qui doit être modifié. »

Le rapporteur, au lieu de prendre pour point de comparaison avec la maison cellulaire de la Roquette toutes les colonies pénitentiaires, choisit la colonie de Mettray, qui seule parmi toutes, et à cause de son éminent directeur, donne des résultats satisfaisans. Dès lors la cause était jugée avant même d’avoir été entendue. De plus,