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de force et les maisons de gêne[1] ; 3° les prisons pénales correctionnelles ; 4° les maisons de correction destinées aux enfans âgés de moins de seize ans et aux jeunes gens mineurs arrêtés et détenus à la demande de leurs parens. Ce système, malgré quelques légères modifications apportées en l’an IV, subsista jusqu’en 1810, année où furent inaugurées les maisons centrales. Toutes ces réformes, dont l’importance n’est pas discutable, étaient d’ordre presque exclusivement administratif. Le régime intérieur des prisons, les infirmeries, où dans certains cas un seul lit recevait trois ou quatre malades en même temps, l’exploitation du détenu par le gardien, la nourriture insuffisante et malsaine, la paille servant de litière dans d’abjects dortoirs, toutes les hontes en un mot léguées par la vieille France à la France nouvelle subsistaient encore. Pendant la république, les prisons ne sont que des cloaques ; c’est en vain que dans la séance du 25 pluviôse an IV le directoire envoie au conseil des cinq-cents un message pour appeler l’attention sur ce sujet ; nulle amélioration n’est apportée à cet état de choses déplorable. Le consulat et l’empire passent, sans se préoccuper de la question, et laissent les prisonniers aux prises avec la corruption morale et physique dans des geôles repoussantes. Ce fut la restauration qui la première, mue par un louable esprit de justice et de charité, s’aperçut que les détenus étaient des hommes, et que le devoir d’une société qui se respecte était de faire quelque chose pour eux. Une ordonnance royale du 9 avril 1819 institua une société des prisons, choisie avec discernement parmi des publicistes, des jurisconsultes, des administrateurs, des députés, et la chargea d’étudier le régime des prisons et de proposer les améliorations qu’elle jugerait compatibles avec la sécurité publique. Cette commission, qui amena d’excellentes modifications au système intérieur dont les prisonniers avaient eu tant à souffrir, cessa ses fonctions en 1829. Malheureusement, imbue encore des traditions que la France a tant de mal à répudier, elle ne s’était guère occupée que de la situation matérielle des détenus ; elle avait supprimé autant que possible les punitions inhumaines, les agglomérations dangereuses pour la santé ; elle avait donné de l’air et du jour où il en manquait, exigé des soins de propreté plus que négligés auparavant, fait renouveler les literies primitives et veillé à ce que les détenus ne souffrissent ni du froid, ni de la faim. C’était beaucoup ; mais c’était bien peu en regard de ce qui restait à faire. Le condamné, selon la vieille idée monarchique, n’était-il qu’une chair sur laquelle on peut agir sicut in anima vili, ou bien, malgré les crimes qu’il avait commis, malgré la note infamante qui le rejetait hors de la société, gardait-il une âme qu’il était possible de

  1. La gêne, peine qui ne fut jamais appliquée, isolait absolument le condamné et ne laissait à sa disposition aucun moyen de travail.