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mais un conseil responsable de ses actes, nommé par des contribuables ayant les mêmes avantages à obtenir et les mêmes intérêts à protéger, est du moins une sérieuse garantie contre les écarts de l’imagination et les folles prodigalités. Ce strict régime municipal a-t-il nui en rien aux développemens des travaux publics ? Les faits se chargent de répondre. De 1856 à 1862, c’est-à-dire en six années, des égouts ont été construits sur une longueur de plus de 58 milles. De 1841 à 1868, 43,644 nouvelles maisons ont en quelque sorte surgi de terre. Des édifices publics ne se recommandant point tous par la beauté, mais ayant coûté des sommes très considérables, se sont élancés de la masse des maisons de banque et des opulens magasins qui les entourent. Des institutions de tout genre ont été fondées. Des jardins, des parcs, ont été ouverts et plantés d’arbres. En un mot, la libre expansion des forces personnelles a imprimé aux travaux publics une activité beaucoup plus grande que n’eût pu le faire la main d’une administration centrale. Sans que l’état s’en mêle, la ville s’étend, prospère et se renouvelle tous les jours.

Après dix-neuf années d’absence, il m’a été donné de revoir dans notre pays une autre grande cité maritime. Par sa situation, l’étendue de ses rapports avec l’Orient, le caractère hardi et intelligent de son commerce, Marseille est le Liverpool de la Méditerranée ; elle a ce beau ciel qui manque à sa fière rivale du nord, cette mer bleue et solide à l’œil, cœruleum mare, qui enchantait les poètes latins, cette ceinture de roucasses blancs qui défendent ses côtes. La nature a tout fait pour la vieille cité phocéenne. Une active population à l’œil noir et intelligent emplit ses larges rues, ses allées de platanes, ses quais magnifiques. Depuis une vingtaine d’années, de grandes constructions maritimes ont été entreprises pour favoriser les progrès de la navigation et du commerce. Sans fermer le vieux port, dont le mérite est d’abriter admirablement les navires contre les coups de vent, on a ouvert le bassin de la Joliette, le bassin du Lazaret, le bassin d’Arenc, le bassin Napoléon, le bassin Impérial. A Dieu ne plaise que je conteste l’importance et l’utilité de ces ouvrages ; mais tout le monde se plaint et avec raison de ce que les travaux, au lieu de se porter vers les quartiers où ils sont le plus énergiquement réclamés par le vœu de la population, aient été distribués sur un autre point au gré du hasard, du caprice ou des influences administratives. Toute une partie de la ville a été complètement oubliée ou dédaignée ; c’est pourtant celle qui avait le plus besoin d’encouragement. Après avoir doté Marseille avec son argent de bassins pour le mouillage des navires, l’idée vint un jour de lui construire des docks. Les magasins sont de grands et nobles bâtimens pourvus d’un outillage considérable ; mais que l’étranger pénètre dans l’intérieur, et il s’étonnera du vide qui règne sous ces voûtes de pierre. Où sont les