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fonctionnaires et d’employés qui, sur le signe d’un chef, font ailleurs mouvoir la grande machine administrative.

Le conseil de la ville exerce une autorité fort étendue. Nos voisins ont pourtant cru, à tort ou à raison, que la division des pouvoirs était une des garanties de la liberté ; aussi à côté des attributions du maire, des aldermen et des conseillers s’élèvent celles des juges de paix (justices of peace). Ces derniers sont chargés de la surveillance des prisons et des maisons de fous ; ils accordent en outre l’autorisation nécessaire pour ouvrir dans la ville des débits de bière ou de liqueurs. Le soin de secourir les pauvres incombe à ce que l’on appelle la sacristie (vestry), parce qu’avant la dissolution des monastères les aumônes se distribuaient dans cette partie de l’église. Les actes de fondation et diverses chartes enjoignaient aux ordres religieux d’employer leurs immenses revenus « pour l’honneur de Dieu et le soulagement de ses pauvres. » Lorsque ces institutions furent supprimées et que les biens des couvens eurent été partagés entre les seigneurs de la cour, le pays se trouva infesté de mendians. On essaya d’étranges remèdes pour combattre le mal. Les vagabonds et les mendians furent punis par le fouet, le pilori, l’emprisonnement et la mort. On calcule que, durant les dernières années du règne de Henri VIII, 38,000 personnes furent exécutées pour crime d’indigence. Une si révoltante inhumanité devait avoir un terme. Elisabeth, dans la quarante-troisième année de son règne, reconnut l’impuissance et l’iniquité de cette lutte à main armée contre la misère. Elle promulgua une loi d’après laquelle un fonds serait créé dans chaque paroisse pour mettre les pauvres valides à même de travailler et pour secourir les faibles ou les infirmes. C’est l’origine des modernes vestries et des work-houses (maisons de travail).

La vestry de Liverpool se compose de vingt-huit membres qui fixent entre eux pour chaque contribuable la taxe des pauvres[1]. Avec cet argent, ils distribuent des secours, entretiennent des enfans dans les écoles industrielles, paient quelques pensions à l’asile des fous, des aveugles ou des sourds-muets, et surtout se chargent de défrayer la maison de travail. Je ne suis jamais entré dans un de ces établissemens sans un serrement de cœur. Ce n’est pas que l’aspect des lieux ait par lui-même rien d’absolument triste : les

  1. Il y a deux sortes de vestries, les unes (general vestries) dont les membres sont nommés par les contribuables, et les autres (select vestries) dont les membres choisissent eux-mêmes leurs collègues et leurs successeurs. Dans les deux cas, la taxe votée par ce conseil varie selon le nombre des pauvres qui se trouvent dans la localité. À Liverpool, dans une seule paroisse, 16,877 personnes, en d’autres termes 1 sur 16, reçoivent la charité. 11,731 sont secourues à domicile, et le reste dans le work-house. L’opinion publique réclame depuis longtemps une taxe unique pour tout le royaume qui égalise les charges entre les contribuables.