Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/591

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aussi aisé qu’on le pourrait croire d’assainir les habitations du pauvre, et la volonté du conseil municipal rencontre souvent dans la loi de sérieux obstacles. Un acte du parlement connu sous le nom de sanitary amendment act, et qui fut voté en 1864, détermine la marche à suivre. L’officier de santé (medical officer of health) visite les maisons de la ville, et signale dans un rapport celles qui doivent être abattues ou modifiées pour des raisons hygiéniques. Ce rapport est soumis au conseil municipal et au grand jury du bourg. Alors le clerc de la ville (town clerc) envoie à chaque propriétaire des maisons dénoncées par le médecin un avis (notice) indiquant la nature des réparations demandées et le moment où le grand-jury s’occupera de l’affaire. Ce moment étant venu, le grand-jury délègue des inspecteurs pour lui rendre compte de l’état des lieux : il examine ensuite leur rapport et prononce sa décision. Si la maison est reconnue malsaine, j’allais presque dire coupable, l’ingénieur de la ville se trouve maintenant chargé de préparer des plans et un projet pour mettre à exécution la sentence du tribunal. Dans le cas où le propriétaire de cette demeure s’opposerait aux travaux exigés, il peut se présenter lui-même devant les juges et faire valoir ses objections ; mais il doit se soumettre à leur arrêt définitif. Ce système paraîtra sans doute très compliqué ; il fonctionne pourtant avec assez d’aisance, et le nombre des maisons supprimées ou améliorées est tous les ans considérable[1].

Diverses causes contribuent à faire de Liverpool une ville chargée de misères. Comme il y a très peu de fabriques, la population ouvrière afflue surtout vers le port. C’est le commerce et non l’industrie qui distribue les travaux ; or le commerce est soumis à des fluctuations qui abaissent et élèvent tour à tour le prix de la main-d’œuvre. La classe la plus nombreuse à Liverpool est celle des hommes de peine qui trouvent à s’employer dans les docks. Quelques-unes des corporations de portefaix sont très bien organisées, par exemple ceux qui déchargent les balles de coton, cotton porters ; ils travaillent par brigades, gangs, et ont à la tête de chaque brigade un capitaine. Très souvent ce dernier est sorti des rangs inférieurs, et, comme il tient à concentrer le monopole des travaux dans le cercle de ses amis, il écrit aux anciens camarades de village, leur promettant que, pourvu qu’ils sachent lire et écrire, ils ne tarderont point à s’élever comme lui. La solde d’un capitaine varie de 24 à

  1. Le conseil municipal s’entend avec les propriétaires pour la valeur de la compensation qui leur est duc, et si de part et d’autre on ne peut arriver à un arrangement, des arbitres interviennent ; mais, après avoir proposé la somme qui lui parait raisonnable, le conseil a le droit d’entamer les travaux de démolition. En 1867, le grand-jury avait donné ordre d’abattre 384 maisons et d’en remanier 108 autres.