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normale, il n’est pas juste que ces dernières ne puissent être admises à jouir des privilèges de l’université. Je ne vois aucune raison à ce qu’on les prive des avantages qu’offrent nos bibliothèques, nos musées, nos laboratoires, nos conférences et tous les autres moyens d’instruction. Si cette admission présente quelques difficultés, il faut les étudier ; elles ne sont pas insurmontables. » Pendant mon séjour aux États-Unis, les jeunes filles de Crawfordsville, état d’Indiana, adressaient au directeur du collège de Wabash la demande d’être admises à en suivre les cours. Trouvant au sein de leur ville natale une institution pourvue de tout ce qui peut leur offrir les avantages d’un cours complet d’instruction, elles se croient en droit d’en profiter. A toutes les objections, à toutes les fins de non-recevoir opposées à leurs prétentions, elles ont répondu avec fermeté que déjà dans plusieurs états le principe des collèges mixtes avait depuis longtemps reçu son application, que dans l’état d’Indiana deux collèges plus importans que celui de Wabash ouvraient leurs cours sans distinction aux élèves des deux sexes. Le succès a couronné les prétentions des jeunes filles de Cfawfordsville. On ne doit pas s’étonner du reste de voir triompher en Amérique la cause de l’éducation supérieure des femmes lorsque les mêmes tentatives sont faites dans presque tous les états de l’Europe, et même dans le pays du monde où l’on s’attendait le moins à les rencontrer, en Russie. Une association organisée pour atteindre le même but vient de se former en Angleterre. Malgré l’opposition qu’a rencontrée en France la généreuse pensée d’élever le niveau de l’enseignement des femmes et d’établir pour elles des cours scientifiques et littéraires, les mères de famille en ont compris l’importance. L’impulsion est donnée, et le mouvement qui s’est manifesté à Paris et dans un grand nombre de villes ne se ralentira pas.

Ce n’est pas seulement le droit à une instruction égale à celle que reçoivent les hommes qui, dans les divers états de l’Amérique, ne rencontre maintenant qu’un très petit nombre de contradicteurs. L’opinion qui tend à leur ouvrir, comme conséquence nécessaire de l’éducation supérieure, toutes les carrières dont l’accès leur avait été fermé y fait de jour en jour de grands progrès. Déjà elles ont été admises à suivre les cours de six facultés de médecine : plus de 300 docteurs du sexe féminin exercent maintenant dans les états de l’Union la médecine et la chirurgie avec un talent et un succès réels. A Philadelphie, six doctoresses sont inscrites, sur les registres où sont établies les taxes sur le revenu, pour une somme de bénéfices annuels variant de 10,000 à 50,000 francs ; enfin j’ai eu le plaisir de voir à New-York une de ces habiles doctoresses à la tête d’une clientèle qui lui assure un revenu de 80,000 francs.