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sur le temps où il a vécu. Elles donnèrent sur tout cela des indications très précises. La maîtresse pria l’une d’elles d’apprécier la conduite politique de Milton. A propos de la mort de Charles Ier, elle lui demanda ce qu’elle pensait de cet événement. L’élève interrogée ne répondit pas. Une de ses camarades, plus hardie, dit que Charles Ier avait mérité la mort, parce qu’il avait violé les lois de sa patrie. Cette réponse parut satisfaire le reste de la classe. Une jeune fille cependant se leva et déclara que, pour son compte, elle désapprouvait d’une manière absolue la peine de mort, et qu’il aurait été beaucoup plus convenable de bannir Charles Ier ou de le tenir en prison que de faire tomber sa tête. La jeune fille qui s’était montrée si sévère envers le roi d’Angleterre avait dix-sept ans, l’autre dix-neuf. Il paraît que, si je n’avais pas été présent, cette discussion se serait prolongée, et que chaque élève aurait soutenu avec chaleur ses opinions. Je venais d’assister à un des exercices familiers dans les écoles d’Amérique, où dès les premières années on croit qu’il est utile de laisser la pensée s’exprimer librement, où le maître avertit, conseille et dirige, mais ne se croit pas le droit d’imposer ses idées et ses sentimens. Si cet appel à la raison individuelle, à la réflexion, au libre examen, peut contribuer à donner aux jeunes filles et aux jeunes gens une confiance exagérée en eux-mêmes, et quelquefois un ton de suffisance qui a été relevé avec assez d’aigreur par mistress Trollope, on ne peut nier qu’il ne hâte le développement intellectuel d’une manière beaucoup plus efficace que l’enseignement dogmatique, qui pendant si longtemps a donné pour criterium de la vérité la parole du maître.

J’ai rapporté les mêmes impressions de ma visite au Rutger’s college de New-York. Une vaste construction en forme de château du moyen âge, avec tourelles, mâchicoulis et créneaux, appelle d’abord l’attention. L’intérieur est moins riant que celui du Packer institute. Les cours y sont peut-être aussi plus abstraits ; l’étude des mathématiques y est poussée plus loin. Les jeunes filles, dans la quatrième année, étudient la trigonométrie, la géométrie analytique et le calcul différentiel. Le grec et le latin leur sont enseignés de manière à les rendre capables de traduire quelques auteurs faciles. Elles donnent plus de temps aux langues modernes, à l’allemand et au français. J’ai assisté à une classe d’une trentaine de jeunes filles prononçant et parlant le français d’une manière fort remarquable. Elles ont pour maîtresse Mlle de Wailly, appartenant à une famille bien connue dans notre monde universitaire, qui enseigne sa langue maternelle comme il serait à désirer qu’on enseignât dans nos lycées l’allemand et l’anglais, s’appliquant beaucoup plus à faire parler ses élèves qu’à leur faire connaître les difficultés