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l’infini, tandis qu’Andlau songe au serein qui tombe, présente un châle, et conseille de retourner au logis. « Il s’efforçait toujours d’apaiser l’être flamboyant de Faustine. Elle était merveilleusement belle au milieu des tempêtes de la sensibilité… Les hommes, au fond, ne sont beaux que quand ils se meuvent dans leur propre élément ;… mais il l’aimait tant qu’il avait moins de joie à la contempler dans sa gloire qu’il n’en ressentait d’effroi. » Souci superflu, ajoute l’auteur, Faustine aimait à dire : « Le ciel et moi nous devons avoir nos orages, c’est notre nature, et les gens nous ennuient fort avec leurs paratonnerres. »

Le récit cependant traverse mainte digression, s’attarde et s’alanguit ; on disserte sur la beauté, le génie, l’art, l’aristocratie, l’amour surtout. Il faut en venir au fait. Faustine a rencontré à Dresde le comte Mario, « Fier, froid et pur, il allait par le monde sans redouter autre chose que de sortir de son équilibre intérieur, de tomber dans les fluctuations et de perdre son empire sur lui-même. » Il avait tout ce qui manquait au doux Andlau, la passion, l’entraînement, l’énergie. Il aime, il le dit, et Faustine, éblouie un instant de cette flamme, croit entrevoir le bonheur inconnu vainement cherché par elle. Elle se laisse convaincre ; Andlau était absent ; il était parti les larmes aux yeux, disant : « Tu m’oublieras. » Elle lui écrit : « Tu disais vrai, je t’ai oublié ; nous ne devons plus nous revoir. » Elle épouse Mario, et repart pour l’Italie. Faustine est sans regrets, elle a un fils charmant, le bonheur est autour d’elle ; elle souffre cependant, elle s’agite et s’inquiète. Tout à coup la crise éclate. En passant à Pise, elle rencontre Andlau, qui s’en allait expirer en Italie. Elle recueille son dernier soupir, et dès lors elle sent que son cœur n’appartient plus au monde ; le bonheur n’y dure qu’un instant : il lui faut l’éternité. Elle va s’enfermer au cloître. — Tel est, dégagé des épisodes qui l’alourdissent, ce roman singulier. Pour l’entendre, il ne suffit pas de songer à la vie de la comtesse Hahn, il faut encore prendre garde à la date qu’il porte (1840), et se rappeler quel concert de gémissemens s’élevait alors du monde poétique, combien de cœurs inassouvis battaient pour « l’insaisissable, » et que de consomptions morales enregistrait chaque jour la chronique littéraire. Qu’est Faustine ? Le lecteur sans doute est fort empêché de s’en faire une idée nette et de savoir quelle manie bizarre entraîne son âme vagabonde. Ce n’est ni la mélancolie de Werther, ni le désenchantement de René, ni la désolation de Lélia, « pleurant ses passions éteintes et ses illusions perdues » et aspirant à l’infini. Faustine n’a entendu de ces grandes plaintes qu’un écho lointain et dénaturé. Que veut-elle donc ? L’auteur va nous l’apprendre dans la préface de sa troisième édition. « Faustine a la couronne de la beauté, du génie, de