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confusion qui se pourrait établir dans leur esprit entre les opérations subalternes des deux compagnies créées par les lords Onslow et Chetwynd et celle de la puissante compagnie de la Mer du Sud. Celle-ci avait été fondée en 1711 par le ministre Harley, et sa charte d’incorporation datait déjà de neuf années lorsqu’elle se précipita dans les folles spéculations qui dans l’espace de quelques mois en amenèrent la ruine. Ces spéculations en provoquèrent de semblables, toujours plus chimériques, toujours plus véreuses, et c’est parmi celles-ci que doivent être rangées les deux entreprises patronnées par George Ier en vue de la liquidation des dettes de sa liste civile. De celles-ci, les historiens ne parlent pas avec détail, et nous avons vainement cherché dans l’ouvrage de lord Mahon quelques faits relatifs à l’anecdote politico-financière dont nous entretient le Journal de lady Cowper. Voici en revanche ce que l’historien nous dit, et ce que ne nous dit pas le Journal : « Presque aussitôt après le départ du monarque, l’héritier présomptif fut amené à se laisser afficher comme directeur d’une compagnie pour l’exploitation des mines de cuivre dans le pays de Galles. Vainement le speaker et Walpole essayèrent de l’en dissuader en lui faisant peur des attaques auxquelles il serait en butte dans le parlement et du bel effet que feraient les crieurs des rues en annonçant au public la bulle du prince de Galles ! Ce fut seulement lorsque la compagnie fut en péril que son altesse royale se retira prudemment avec quarante mille livres sterling de bénéfices réalisés. »


… Voici un dialogue qu’on me donne pour authentique. Stanhope, rencontrant dans une antichambre les deux favoris allemands et les apostrophant de sa voix la plus perçante : — Eh bien ! messieurs, la paix est faite,… la paix est faite. — Bernstorff. Les lettres sont-elles donc arrivées ? — Stanhope. Non, non. C’est ici que nous avons la paix. Nous allons revoir notre prince. — Bothmar, étonné. Notre prince ?… — Stanhope. Oui, notre prince, notre prince de Galles. Nous l’attendons, il va se réconcilier avec le roi. — Bernstorff. Monsieur, vous avez été bien secret dans vos affaires. — Stanhope. Mais, oui nous l’ayons été. Le secret, voyez-vous, est toujours nécessaire pour les bonnes choses[1].

Bothmar, ne pouvant tenir devant ces insultes et surtout à l’idée que son vieux maître l’avait en quelque sorte trahi, s’est laissé aller à fondre en larmes. Le roi du reste n’a cédé qu’à une contrainte morale. Il ne voulait pas voir le prince. — Les whigs ne peuvent-ils donc revenir sans lui ? demandait-il à chaque instant.

  1. Tout ce dialogue est en français dans le Journal de lady Cowper ;