Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/321

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La princesse, revenue de Saint-James tout exprès pour attendre le retour de son mari, l’a vu rentrer, sa chaise entourée de beefeaters[1], suivi par une multitude qui poussait de frénétiques hourras. Le grince était fort sérieux. Il avait les yeux rouges et gonflés, symptôme habituel qui dénote chez lui une certaine contrariété. En rentrant, il nous congédia tous, et je reçus ordre de revenir à cinq heures.

A l’heure dite, je trouvai les gardes devant la porte, le square encombré de carrosses, les salons remplis de monde, tout en gaîté, rires et liesse. Dans le cabinet, où la princesse m’appela poux me montrer une lettre de l’archevêque, tout à fait étrangère à ce qui se passe aujourd’hui, je félicitai le prince et lui témoignai l’espoir que tout désormais irait au gré de ses vœux. Il m’entoura de ses bras et m’embrassa cinq ou six fois de suite avec cette cordialité qui lui est naturelle quand il s’épanche en tout abandon. La princesse ne put alors retenir un grand éclat de rire. — Assez, assez ! disait-elle ; vous ne manquez jamais de vous baiser ainsi dans les grandes occasions.

Toute la ville au reste manifestait une satisfaction plus ou moins sincère. Pour moi, quand mon mari rentra, je ne pus m’empêcher de lui sauter au cou. — Eh bien ! lui dis-je, laissez-moi remercier Dieu que votre tête soit encore à vous. C’est plus qu’on ne pouvait vous garantir depuis deux mois[2].

Le roi, pressé par certaines gens de venir le soir même visiter sa belle-fille, n’a pu se résoudre à cette démarche. — L’occasion se trouvera, telle a été sa réponse.

Les dettes royales seront payées au moyen des deux compagnies d’assurance pour lesquelles on sollicite un privilège. Lord Onslow et lord Chetwynd, au nom de ces deux sociétés que l’on désigne déjà sous le nom de bubbles (bulles de savon), offrent trois cent mâle livres sterling chacun. Walpole et Craggs font leur main sur ces nouveaux titres, qu’ils achètent, dit-on, avec un fort rabais.

M Bernstorff, ni Bothmar, n’ont été mis au courant de l’intrigue qui a préparé la réconciliation ; aucun Allemand n’en était, sauf la duchesse de Kendal, que l’argent et les dignités dont l’Angleterre la comble ont rendue fidèle aux ministres anglais…


Une parenthèse est ici nécessaire pour éviter à nos lecteurs la

  1. Ce nom bizarre désigne les hallebardiers attachés au service personnel du monarque et de l’héritier présomptif. Ce sont les soldats aux gardes de la tour de Londres.
  2. Si les craintes de lady Cowper n’étaient pas exagérées, — ce que nous inclinerions à croire, — il faudrait admettre que l’ex-chancelier, dans son zèle pour le prince royal, était allé jusqu’à se compromettre dans quelques menées fort aventureuses.