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roi se tenait assez négligemment accoudé, pour lui offrir quelques complimens de condoléance. — God’s fîsh, mon cher lord, interrompit ce prince avec son juron favori, sachez que je ne crois pas le premier mot de cette prétendue crise. La dame se porte mieux que vous et moi. Seulement il lui est venu quelque fantaisie qu’il faudra trouver moyen de satisfaire. Ce que je vous dis là, je vous le garantis aussi sûrement que si j’étais dans sa peau[1].

La duchesse de Portsmouth est sur le point de retourner en France. Nous sommes redevables de sa visite à l’espoir qu’elle avait conçu de rentrer dans quelques arrérages de ses pensions.

15 et 16 mars. — Procès de lord Wintoun. Mylord Cowper est encore appelé à remplir les fonctions de high stewart, honneurs à grimaces (grinning honours), comme les appelle sir John Falstaff dans le Henry IV de Shakspeare, attendu qu’ils coûtent fort cher et ne rapportent pas un farthing. Lord Nottingham et lord Aylesford, récemment frappés de destitution, se sont conduits en cette nouvelle épreuve d’une manière honteuse. Mylord Wintoun s’était arrangé après sa condamnation pour scier un barreau de sa prison au moyen d’un ressort de montre ; il a été surpris pendant cette opération, et fait maintenant son possible pour donner à penser qu’il ne jouit pas de toute sa raison, bien qu’en somme il soit tout simplement sans éducation, sans la moindre littérature, et d’une brutalité exceptionnelle. Marié de tous côtés, on lui connaît au moins huit femmes, vivantes et grouillantes. Je m’impatiente malgré moi quand je vois un pareil personnage susciter autour de son nom tant de bruit et de propos. Si ce qu’on en dit est vrai, il fallait tout simplement le déclarer incapable de haute trahison.

22 mars. — Mistress Clayton, chez qui nous avons dîné, ne savait assez se louer des bons propos tenus par le prince à l’avantage des Anglais. Ce sont les meilleurs, les plus beaux, les plus dévoués de tous les êtres créés, et on ne peut mieux lui faire sa cour, assure-t-il, qu’en lui trouvant quelque rapport avec eux. Là-dessus grand scandale chez les convives étrangers. Ne pouvant se contenir, les voilà qui déblatèrent de la façon la plus inconvenante contre tout ce qu’ils ont trouvé ici. M. Schutz va jusqu’à prétendre qu’il n’y a pas en Angleterre une seule jolie femme.

1er avril. — Communié avec la princesse dans son salon.

Deux lettres de M. d’Uxelles[2] à M. d’Iberville, qu’on a pu intercepter, montrent la France peu disposée à rompre avec l’Angleterre. Il y a des négociations entamées par M. Devenvorde[3], dont il faut,

  1. Relire la lettre de Mme de Sévigné du 30 mars 1672, où elle traite avec une gaîté si méprisante « la Kerooal » et les vues intéressées de cette noble aventurière.
  2. Le maréchal d’Uxelles, alore ministre des affaires étrangères.
  3. Ambassadeur des états auprès du gouvernement anglais.