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où seront également représentés clercs et laïques. C’est de là que doit sortir quelque chose comme un corps représentatif et dirigeant de l’église, livrée dès ce moment à toutes les chances du self-governement. En un mot, on s’est mis aussitôt à l’œuvre ; mais ce n’est pas tout. La question religieuse est à peine résolue que la question agraire d’Irlande s’élève à son tour ; elle a été tout récemment abordée dans des réunions publiques par lord Stanley, par le duc de Richmond, et la question agraire d’Irlande conduit tout droit à un problème bien autrement grave, celui de la constitution territoriale en Angleterre même. Il vient de se former une association considérable qui s’est déjà réunie, et qui a un comité provisoire dont le président est M. Stuart Mill. Cette association, qui n’est d’ailleurs nullement hostile au ministère actuel, ne cache point son dessein : elle veut arriver à la révision des lois qui règlent la propriété territoriale et l’exploitation du sol dans le royaume-uni ; elle se dispose à propager l’agitation contre ces lois de façon que la question soit assez mûre pour être discutée dans la session prochaine du parlement. Son programme se résume en quelques propositions parfaitement significatives : favoriser la libre transmission des terres, restreindre le plus possible le droit de constituer la propriété dans des conditions d’inaliénabilité, étendre le droit de l’état sur les terres communes, faciliter l’accession des ouvriers et des cultivateurs à la propriété territoriale. Bref, l’association nouvelle s’attaque au droit d’aînesse et à tout ce qui s’ensuit. Chose nouvelle en Angleterre ! après l’église, la propriété aristocratique est menacée à son tour. M. Gladstone, qui est en ce moment occupé à se rétablir et à recouvrer des forces pour faire face aux orages de la session prochaine, ne suivra pas sans doute ce programme jusqu’au bout. Il est pourtant difficile que ces questions soient désormais indéfiniment éludées ; elles font leur chemin, le nouveau parti libéral, cet héritier émancipé des anciens wighs, n’est pas éloigné de les accueillir, au moins dans ce qu’elles ont de possible, et rien certes ne donne mieux la mesure de la marche des idées en Angleterre. Seulement, si on en vient là, l’Angleterre procédera comme elle procède toujours ; elle se souviendra que la politique, n’est après tout que l’art de ménager une perpétuelle transition dans la vie d’un peuple.

Malheureusement les transitions ne sont pas toujours faciles, elles dégénèrent quelquefois en ruptures soudaines, elles s’appellent la révolution ou la guerre, et elles laissent des traces profondes, durables. On le voit bien par ce qui se passe depuis quelque temps en Allemagne. La fortune des armes a eu beau prononcer, les animosités ne se sont pas éteintes, la paix n’est pas rentrée dans les cœurs. Si on ne se bat plus avec le fusil à aiguille, on se bat avec la plume, et pendant quelques jours nous venons d’avoir la représentation d’une de ces passes d’armes diplomatiques qui se reproduisent périodiquement entre Vienne et Berlin. Ce n’est pas qu’il y ait pour le moment un grand danger. La guerre n’est