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— J’espère cependant, mylord, lui dit lord Wintoun, que vous me ferez justice, et ne m’appliquerez pas ce que nous appelons chez nous la loi Cowper, pendre d’abord pour juger ensuite. L’histoire dit encore qu’en prononçant l’arrêt porté contre les pairs catholiques le chancelier ne sut pas s’abstenir d’attaques évidemment déplacées contre leur croyance religieuse, et qu’il leur recommanda pour l’heure suprême d’autres guides spirituels que ceux dont ils avaient jusque-là suivi les conseils.

En bonne et loyale épouse, lady Cowper ne trouve rien à reprendre dans la conduite ou les paroles de son mari. — Je suis enchantée, dit-elle, d’entendre vanter de toutes parts la harangue que mylord a prononcée en faisant connaître l’arrêt ; mais aucun éloge n’a valu pour moi celui du docteur Clarke, qui trouve ce discours superlativement beau, et prétend qu’il serait impossible d’y ajouter ou d’en retrancher une lettre sans le gâter d’autant[1].

Mais hélas ! de toutes les revendications, celles de la défaillance humaine sont les plus inévitables. Bien peu de jours après ce triomphe oratoire, et lorsque le départ du prétendant eut définitivement rendu la paix à l’Angleterre et son ascendant au ministère whig, le lord-chancelier, à la suite d’un accident, se trouva tout à coup plus malade. En même temps que sa santé décline son ambition. Il veut quitter la vie publique, se retirer des affaires, céder la place à ses rivaux, aller vivre aux champs. Sa digne compagne, non sans quelques pénibles efforts, accepte courageusement ces projets d’abdication. Voici ce qu’elle écrit, à la date du 15 février : « J’ai dit à mon mari qu’il ne trouverait jamais en moi un obstacle à ses desseins ; je lui ai offert, pour peu que cela puisse lui plaire, de le suivre à la campagne, d’abandonner ma charge, et, ce qui est encore autre chose, je lui ai promis de ne jamais regretter ce sacrifice, le plus grand que j’aie à lui faire. Je crois qu’il l’acceptera. »

Ce plan de retraite la tourmente, il est vrai. Cependant elle lui donne un commencement d’exécution ; d’obligeans amis à qui elle s’adresse dans ces poignantes perplexités lui offrent de s’entremettre pour déclarer à qui de droit que lord Cowper va succomber sous le fardeau ministériel, et faire nommer à sa place le lord chief justice Parker, à qui on substituerait l’ex-chancelier comme gardien du sceau privé. À cette sinécure honorifique, véritable fiche de consolation, pourra être jointe la réversion sur deux têtes successives d’une charge de fermier des douanes… Mais, tandis qu’en

  1. Ceux de nos lecteurs qui seraient curieux de savoir à quoi w’en tenir sur ce morceau d’éloquence le trouveront dans la biographie de lord Cowper par lord Campbell.