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l’Opéra, où votre altesse lui a parlé. — Fort bien ; j’ai donc à vous annoncer moi-même que vous avez fait une conquête… — Et, voyant que je rougissais : — Oh ! poursuivit-elle en riant, vous en aurez toute la honte ou tout l’honneur, à votre choix. C’est M. de Bernstorff, qui de sa vie n’avait pris garde à une femme, et, comme je tiens à lui être agréable, je lui ai confié un message qu’il vous portera de ma part. Voyez un peu quel rôle je me donne là !… — Sur ces mots, elle sortit du salon.

Au bas du grand escalier, je trouvai le secrétaire de M. de Bernstorff, lequel me faisait demander l’heure où il me plairait de le recevoir, et à quatre heures de l’après-midi je vis accourir ponctuellement ce très influent personnage. Il venait, au nom de la princesse de Galles, m’offrir d’être dame du palais. Je m’excusai de n’avoir point sollicité avec plus d’instance cette faveur très désirée, alléguant la crainte que j’avais eue d’ajouter une importunité à celles dont la princesse devait être assaillie, sur quoi l’envoyé de la cour me fit mille complimens, aussi bien en son nom que de la part de leurs altesses, dont il me conseilla de venir baiser les mains dès le jour suivant. Je crus devoir saisir cette occasion pour lui remettre un exposé de la situation des partis que mylord m’avait priée de transcrire et de traduire en français, afin qu’il fût placé sous les yeux du roi.

J’allai le lendemain, vers onze heures, rendre mes devoirs à ma nouvelle maîtresse, qui m’embrassa cordialement à plusieurs reprises et me tint les propos les plus flatteurs du monde. La duchesse de Saint-Albans[1] était venue pour le même objet. Avec cette dame assistaient à notre installation la duchesse de Bolton, mistress Clayton, mistress Howard[2], la gouvernante des princesses, et deux ou trois dames étrangères. Le prince fit son compliment à la duchesse de Saint-Albans et à moi, comme déclarées, et le soir même nous inaugurâmes nos fonctions.

Les 26 et 27, rien de remarquable, si ce n’est à certains points de vue la désignation « comme dame du palais hors rang » de la duchesse de Shrewsbury, fille du marquis Paleotti, de Bologne, et dont la mère était une Dudley, petite-fille naturelle de Dudley, comte de Leicester. Pour épouser le duc, aujourd’hui lord-chambellan, cette belle Italienne abjura la foi catholique. Elle doit sa promotion à

  1. Diana de Vere, mariée en 1694 au fils de Charles IIn et de la comédienne Nelly Gwynn.
  2. La duchesse de Bolton (Henriette Crafts), fille naturelle du duc de Monmouth et d’Eleanor Needham. — Mistress-Clayton (depuis lady Sundon), qui plus tard, comme maîtresse de la garde-robe, acquit sur la reine Caroline un certain ascendant, attribué par les mauvaises langues à ce qu’elle avait surpris le secret d’une infirmité dont sa majesté se tenait pour humiliée. — Mistress Howard, précédemment miss Hobart, et plus tard comtesse de Suffolk quand George II en eut fait sa favorite.