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publier ne sera pas uniquement consacré à ce que M. Janet appelle « les questions de critique et d’exégèse. » Après avoir établi l’authenticité, au fond et dans leur ensemble, des documens bibliques et évangéliques, j’essaierai de retracer, à la fois dans son unité permanente et dans son progrès, cette merveilleuse histoire qui commence à Adam, se poursuit à travers Noé, Abraham, Moïse et le peuple juif, pour aboutir à Jésus-Christ et passer de la croix du Calvaire à l’expansion de la civilisation chrétienne sur toute la face du monde. C’est vraiment là l’histoire du genre humain et de l’action de Dieu dans la vie du genre humain.

M. Janet est un esprit sérieux et consciencieux : il examine toutes choses dans la pleine liberté de sa pensée ; mais il n’affirme et ne nie rien que lorsqu’il est vraiment convaincu. Aussi hésite-t-il quelquefois et s’arrête-t-il dans le doute ou dans le silence quand, pour prouver sa thèse générale, il aurait besoin de conclure. Je viens d’en rencontrer un exemple dans le soin qu’il prend d’écarter la question du surnaturel : il ne veut pas la résoudre par une négation absolue ; il semble admettre « la possibilité métaphysique du surnaturel et des miracles comme contenue dans le principe de la personnalité divine ; » mais il ne va pas jusqu’à la reconnaître. La même réserve apparaît dans une question qui n’est pas moins grave, celle de la création. M. Janet me reproche d’affirmer que la création est nécessaire ; mais il ne s’en étonne pas, « car, dit-il, à moins d’admettre que la vie est le résultat des forces de la matière, et que l’homme, comme toute espèce animale, est le produit d’une lente élaboration des siècles et d’une transformation progressive des êtres, on est obligé d’avoir recours à la puissance surnaturelle du créateur. » Est-ce à dire que M. Janet admet la doctrine des générations spontanées ou celle de M. Darwin sur la transformation des espèces ? Non ; mais il ne repousse pas non plus ces deux doctrines, il les regarde comme « des questions à l’étude, » et il me blâme, « comme d’une imprudence, d’avoir fait reposer le dogme fondamental de la religion et l’espoir de l’humanité sur des opinions scientifiques. » Je ne mérite nullement ce reproche, car je ne crois pas du tout que le sort du principe de la création et de la puissance surnaturelle du créateur dépende du sort de la doctrine des générations spontanées et de celle de la transformation des espèces ; ce sont les défenseurs de ces doctrines qui font reposer leur attaque contre les faits et les principes chrétiens sur des opinions scientifiques. Je suis, quant à présent, convaincu que ces opinions sont de pures hypothèses ; mais quand elles perdraient ce caractère, quand la science les admettrait parmi ses découvertes, la puissance surnaturelle du créateur et le fait primitif de la création n’en seraient nullement atteints, car le