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LE CHRISTIANISME ET LE SPIRITUALISME.

certaine que celle des origines de presque tous les états et tous les peuples. C’est ici la métaphysique qui domine et opprime l’histoire.

Je reviens à la question fondamentale, telle qu’à mon sens elle doit être posée. Le christianisme est une histoire, une histoire divine et humaine. Je me permets de reproduire un langage que j’ai déjà employé, le seul qui exprime fidèlement le fait et ma pensée : le christianisme est l’histoire des rapports directs et spéciaux de Dieu avec le genre humain ; Dieu et les hommes y vivent, agissent et parlent. Cette histoire est-elle vraie ?

M. Janet n’a ni traité, ni même indiqué la question ainsi posée. Considérant le christianisme comme un système de métaphysique, un mode d’explication et de solution des grands problèmes de l’humanité, et réduisant le système chrétien tout entier au dogme du péché originel, c’est ce dogme à peu près seul qu’il discute, et comme il le repousse péremptoirement, tout le système chrétien tombe, selon lui, avec la base qu’il lui a donnée. M. Janet n’aborde nullement les deux questions fondamentales, les deux caractères constitutifs du christianisme, son histoire, et dans son histoire les miracles. Il écarte la question historique en disant que « mes Méditations chrétiennes peuvent être considérées comme un ouvrage complet, au moins dans sa partie philosophique, car le quatrième volume, qui n’a pas encore paru, sera consacré aux questions de critique et d’exégèse, et ne changera rien évidemment à l’ensemble des vues de M. Guizot. » Et quant à la question des miracles, « peu importe, dit M. Janet, la possibilité métaphysique du surnaturel ; peu importe la question de savoir si la possibilité des miracles est ou n’est pas contenue dans le principe de la personnalité divine. La première condition d’une religion vraie, c’est l’accord avec la conscience morale ; » or le dogme du péché originel est, selon lui, contraire à la conscience morale de l’humanité.

Je n’admets pas que, lorsqu’il s’agit de savoir si la religion chrétienne est vraie, la question du surnaturel et celle de l’histoire du christianisme puissent être ainsi écartées ou touchées en passait comme secondaires. Je me suis, il est vrai, appliqué moi-même, dans mes Méditations, à l’examen des principaux dogmes chrétiens mis en regard des grands problèmes humains ; mais j’ai pris soin dès le début, dans les deux méditations intitulées Dieu selon la Bible et Jésus-Christ dans l’Évangile[1], de signaler le caractère historique des documens chrétiens et des faits qu’ils rapportent. Et en traçant le plan de mon travail j’ai marqué la place qu’y tiendrait l’histoire chrétienne. Le volume qui me reste à

  1. Tome II, p. 169 329.