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jour par la discussion et le contrôle des assemblées délibérantes. Elle est la condition essentielle des gouvernemens libres, la garantie des droits de la nation et de l’inviolabilité de la constitution qu’elle s’est donnée. En Angleterre, elle est tellement entrée dans les mœurs que, bien qu’elle ne soit écrite dans aucun texte précis, nul ne la conteste. En Belgique, un article de la constitution déclare qu’en aucun cas l’ordre verbal ou écrit du roi ne peut soustraire un ministre à la responsabilité, et un autre article stipule que la chambre des représentans peut accuser les ministres et les traduire devant la cour de cassation, qui seule a le droit de les juger, sauf l’action civile de la partie lésée et les crimes et délits qu’ils auront pu commettre dans l’exercice de leurs fonctions. — Le roi ne peut user de sa prérogative de faire grâce en faveur d’un ministre condamné que sur la demande de l’une des deux chambres.

Dans ce cadre constitutionnel, quel est donc le rôle du chef de l’état ? Celui d’être un arbitre étranger aux luttes qui se livrent autour et au-dessous de lui ; il intervient dans les circonstances les plus graves, apaise les conflits en interrogeant la nation lorsqu’il juge opportun de provoquer son arrêt souverain ; il est partie agissante dans le travail législatif et chargé de l’exécution des lois ; il commande les forces militaires pour le maintien de l’ordre et la défense du territoire ; il a la direction des rapports internationaux et veille au maintien de l’honneur national ; il pourvoit à l’intérêt le plus essentiel des sociétés civilisées par l’administration de la justice. Qu’un génie, se trouve à l’étroit dans le cercle de ces attributions, je le crois sans peine ; mais ce n’est vrai que pour un de ces génies qui apparaissant sur la scène du monde à de longs intervalles et laissent après eux plus de ruines que de monumens dignes d’admiration. De grands hommes passionnés pour les progrès et le bonheur des peuples trouveront là de quoi donner carrière à leurs nobles sentimens et à leur honnête ambition. Nous en avons pour témoignage le rôle si considérable, malgré l’exiguïté de son royaume, du roi Léopold Ier de Belgique, et sous nos yeux celui que nous donne chaque jour la reine Victoria sur le trône de la Grande-Bretagne. D’ailleurs c’est à ces conditions, au XIXe siècle et lorsque les peuples ont justement revendiqué leur droit de souveraineté, que la royauté peut être maintenue.


III

Le gouvernement parlementaire se compose de trois pouvoirs : le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. J’ai indiqué les attributions et la fonction des deux premiers ; il me reste à parler du troisième. Deux conditions sont essentielles pour