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de l’industrie, sans en excepter même les progrès mécaniques, on peut dire qu’il n’y en a aucune qui ait eu autant de part à l’accroissement de la puissance productive de l’homme que la simple substitution du travail à la tâche au travail à la journée. Autrefois les ouvriers travaillaient partout moyennant un prix fixé pour chaque jour ou pour chaque heure ; aujourd’hui, dans presque toutes les branches de l’industrie, l’ouvrier travaille aux pièces : ce dernier mode s’est tellement perfectionné et généralisé qu’il n’est guère de cas où il ne puisse s’appliquer. Partout il a sensiblement accru l’énergie de l’ouvrier et augmenté le produit que son labeur rapporte au patron. Les Anglais l’ont fait maintenant pénétrer dans l’agriculture. Le chef de bande en effet ne reçoit presque jamais un salaire calculé d’après l’effectif de sa troupe ; il prend l’ouvrage à forfait, et il l’exécute à ses risques et périls. C’est le système de l’entreprise. Il se charge, par exemple, de sarcler un champ, de faire une récolte de blé moyennant un prix débattu. L’agriculteur n’a point à intervenir dans le travail ; il n’a qu’à en constater le résultat, qui est presque toujours satisfaisant. La responsabilité unique et effective du gangmaster remplaçant la responsabilité multiple et illusoire des différens ouvriers, il en résulte presque toujours que l’ouvrage est plus tôt achevé et à moins de frais. C’est déjà beaucoup pour les grands fermiers et les grands propriétaires de pouvoir se reposer en toute sécurité sur l’intelligence et l’intérêt du chef de bande dans l’accomplissement de la tâche dont il s’est chargé. Ils ont ainsi l’esprit plus libre pour la direction supérieure de leur industrie, ils ont plus de loisirs pour combiner leurs spéculations, pour se livrer à la vente de leurs produits et aux achats qui leur sont nécessaires. Cette heureuse division de la surveillance équivaut à une économie de temps et à un surcroît d’activité chez le chef de l’exploitation. Un autre avantage, plus considérable encore, c’est que l’agriculteur est dispensé d’entretenir un nombreux personnel à gages, cause ordinaire de frais et de troubles considérables.

Dans un district entier du Lincolnshire, le South-Fen district, on ne rencontre que des fermes à blé de deux ou trois cents acres, habitées par les fermiers et par un très petit nombre d’ouvriers agricoles occupés d’une manière permanente. En dehors de ces fermes, on ne trouve pas une seule chaumière de paysan ; les ouvriers à la journée, attachés à un fermier ou à un agriculteur et logés par lui dans de petites maisons construites exprès, sont complètement inconnus. Pour toute espèce de travail, l’on a recours à de gros bourgs d’où sortent des bandes agricoles qui font tous les ouvrages dans un rayon de ; six ou sept milles. Enfin l’organisation des bandes agricoles assure la régularité du travail. Le chef de