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Nottingham ; on en trouve encore quelques applications dans ceux de Northampton, de Bedford et de Rutland. Ce n’est pas qu’il exclue jamais complètement toute autre forme de travail. Même dans les comtés où ces ; bandes agricoles sont le plus répandues, il est des localités où elles ne jouent qu’un rôle accessoire et subordonné. Les noms qu’on leur donne subissent aussi certaines variations.

Les avantages de ce régime sont nombreux. Il permet de substituer dans une certaine mesure la main-d’œuvre des femmes et des enfans à celle des hommes ; il offre le moyen de remplacer en diverses occasions le travail à la journée par le travail à la tâche ; il donne à l’agriculteur la faculté de restreindre le personnel permanent qu’il était forcé d’employer autrefois, et la facilité de trouver, au moment précis où il en a besoin, le nombre de bras qui lui est nécessaire.

Le renchérissement de la main-d’œuvre agricole est encore plus grand en Angleterre qu’en France. Les ouvriers ruraux non-seulement sont devenus chers, mais il arrive même, dans des momens de grande presse, que l’on n’en peut trouver à aucun prix, et qu’on est obligé de différer de quelques jours des travaux urgens. Cette situation si défavorable à l’agriculture a fixé des deux côtés du détroit l’attention des gouvernemens. On s’est unanimement élevé contre l’émigration des campagnes, bien des écrivains et des orateurs ont exalté le bonheur de la vie des champs ; mais ces touchantes idylles n’ont pas eu la vertu de ramener dans les chaumières ceux qui les avaient abandonnées, Bien loin de diminuer, l’émigration vers les villes s’accélère. Hâtons-nous de dire que ce phénomène résulte de la nature des choses, et que s’en étonner ou s’en plaindre, c’est ignorer les conditions économiques de notre temps. La dépopulation des campagnes n’est pas principalement produite par : des causes artificielles que l’on pourrait combattre ou détruire. Si dans quelques pays des faits accidentels, — les travaux de démolition ou de reconstruction des grandes villes, l’exagération du contingent militaire annuel, — contribuent à diminuer le nombre des ouvriers des champs, ce ne sont là néanmoins que des causes accessoires. La raison principale, c’est que le travail agricole ne suffit pas dans la plupart des contrées à la subsistance de populations rurales nombreuses. Autrefois le travail agricole et le travail industriel étaient presque partout unis sur les mêmes lieux et entre les mêmes mains. Dans la cabane du laboureur, on rencontrait le métier du tisserand ; la jeune paysanne filait sa quenouille en gardant ses bestiaux ; l’aïeule, que son grand âge éloignait du rude labeur des champs, augmentait encore, grâce à