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taureau de métal, et même à joindre à cette idolâtrie l’adoration des divinités solaires. Aux menaces, aux objurgations des prophètes, ils répondent qu’ils font comme ont fait leurs pères, et la superstition conspire avec la sensualité pour les tenir attachés à ces vieilles coutumes. En un mot, le monothéisme est né, mais il est encore en pleine et flagrante antithèse avec la religion de la majorité du peuple qui lui a servi de berceau. Que résultera-t-il de ces fluctuations qui donnent la victoire tantôt à l’une, tantôt à l’autre des deux tendances ?

Il est permis de penser que la captivité de Babylone fut nécessaire à la victoire définitive du monothéisme parmi les Israélites. Elle fut en effet le crible par lequel ne passèrent que ceux des déportés qui étaient attachés de cœur au jehovisme pur. Il en résulta que le peuple qui se reforma en Palestine après la destruction de l’empire babylonien fut monothéiste de tradition, d’éducation, ne concevant plus la possibilité d’être autrement. Il put même se figurer que ses ancêtres depuis Abraham l’avaient été comme lui, si ce n’est aux heures mauvaises, mais accidentelles, où des influences pernicieuses l’avaient détaché de son Dieu.

La rédaction dernière des livres historiques de la Bible porte la trace de cette pieuse illusion. Pourtant le siècle lui-même qui avait précédé la captivité de Babylone eût fourni aux rédacteurs, s’ils avaient été capables de la moindre velléité critique, des faits assez nombreux et assez clairs pour les détromper. Ézéchias, dans son zèle monothéiste, avait dépassé la mesure, car, de 696 à 639, c’est-à-dire pendant cinquante-sept ans, on vit le bon vieux temps revenir sous ses successeurs, Manassé et Amon. La colonne d’Aschera fut replantée dans le temple, on se remit à adorer « sur les hauts lieux, » il y eut en avant du sanctuaire de Jehovah des autels érigés en l’honneur de « l’armée des cieux, » le culte de Moloch reparut, et, comme Achaz, Manassé lui sacrifia l’un de ses fils ; en un mot, la réaction orthodoxe fut complète. La mort d’Amon, qui périt victime d’une conjuration de palais, vint enfin fournir au parti jehoviste une occasion inespérée de ressaisir la direction des affaires. Josias, son fils, était un enfant de huit ans quand il monta sur le trône, et il semble avoir été de bonne heure gagné par les idées monothéistes. Les jehovistes crurent le moment venu de frapper un grand coup et d’empêcher le retour des superstitions héréditaires sous un souverain moins bien disposé. Il y avait certainement des lois religieuses auparavant en Israël, et le clergé lévitique en avait la garde ; mais ces lois ne répondaient plus aux besoins de la situation. Elles laissaient beaucoup trop de marge aux libres allures des individus. Le culte des « hauts lieux, » la célébration des sacrifices ailleurs qu’à Jérusalem, n’étaient point