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excellente pour mettre à la raison par quelque mesure rigoureuse tous les ecclésiastiques opposans de la Belgique.


« Je donne ordre au ministre de la police, écrit-il le 14 août à M. Bigot de Préameneu, de faire arrêter tous les chanoines de Tournai et de les faire mettre dans un séminaire, d’envoyer les séminaristes qui ont moins de dix-huit ans dans les séminaires de l’ancienne France, et ceux qui ont plus de dix-huit ans à Magdebourg, de faire prêter aux professeurs des séminaires le serment d’enseigner les quatre propositions de l’église gallicane, comme cela se faisait avant la révolution, ou, sur leur refus, de les faire arrêter. Vous ferez suspendre sur-le-champ les bourses du séminaire. Je viens de prendre un décret à ce sujet. Vous ferez connaître par le canal du préfet aux principaux prêtres du diocèse que, si j’apprends encore de leur part la moindre rébellion, je supprimerai l’évêché, et priverai la ville de Tournai du privilège d’avoir un évêque. Je la réunirai à un autre diocèse, ou je transporterai le siège dans une ville voisine de l’ancienne France[1]. »


Ces menaces n’étaient que le prélude d’autres violences beaucoup plus grandes qui allaient produire dans le diocèse de Gand une confusion inexprimable.

La faible santé de M. de Broglie n’avait pu supporter longtemps le climat des îles Sainte-Marguerite. Le manque d’air et d’exercice avait épuisé ses dernières forces, lorsque l’ordre vint tout à coup de le reconduire à Beaune, « moins par un mouvement d’humanité, dit ce prélat dans une relation adressée plus tard au saint-père, qu’afin de lui tendre de nouveaux pièges[2]. » C’était en effet le moment où, dans la ville de Gand, comme à Troyes, comme à Tournai, la nomination d’un nouvel évêque avait jeté les fidèles, particulièrement les ecclésiastiques, dans un état d’effervescence extrême. Le préfet de la Côte-d’Or, M. de Cossé-Brissac, avait reçu ordre de faire venir M. de Broglie à Dijon et de lui présenter à signer la formule de déclaration qu’avait repoussée M. de Boulogne, mais à laquelle avait adhéré M. Hirn. À peine remis de maladie, encore placé entre la vie et la mort, terrifié par la menace d’être de nouveau traité en criminel d’état et renvoyé aux îles Sainte-Marguerite, M. de Broglie eut un moment de faiblesse ; il consentit à mettre son nom au bas d’un écrit rédigé en termes assez obscurs, et par lequel il confirmait, en tant que besoin était, sa dé-

  1. Lettre de l’empereur à M. le comte Bigot de Préameneu, Dresde, 14 août 1813. (Cette lettre n’est pas insérée dans la Correspondance de Napoléon Ier.)
  2. « Aliquando tandem passus est porsecutor me Belnam reduci, sed ut novas mihi insidias strueret. » — Relation latine adressée au saint-père par M. de Broglie, évêque de Gand, et insérée dans le recueil de ses mandemens imprimé à Gand, p. 190.