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lorsqu’à notre grande surprise, et malgré ce dont nous étions convenu avec votre majesté, nous vîmes publier, sous le titre de concordat, ces mêmes articles qui n’étaient que la base d’un arrangement futur!... Nous n’avons pas cru pouvoir trouver un moyen plus conciliable avec le respect que nous portons à votre majesté que celui de nous adresser à votre majesté elle-même et de lui écrire cette lettre. C’est en présence de Dieu, auquel nous serons bientôt obligé de rendre compte de l’usage de la puissance à nous conférée, comme vicaire de Jésus-Christ, pour le gouvernement de l’église, que nous déclarons, dans toute la sincérité apostolique, que notre conscience s’oppose invinciblement à l’exécution de divers articles contenus dans l’écrit du 25 janvier,.. Nous adresserons à votre majesté, par rapport à cet écrit signé de notre main, les mêmes paroles que notre prédécesseur Pascal II adressa dans un bref à Henri V, en faveur duquel il avait aussi fait une concession qui excitait à juste titre les remords de sa conscience, et nous vous dirons avec lui : Notre conscience reconnaissant l’écrit mauvais, nous le confessons mauvais, et, avec l’aide du Seigneur, nous désirons qu’il soit cassé tout à fait, afin qu’il n’en résulte aucun dommage pour l’église, ni aucun préjudice pour notre âme... Tout en cédant au cri de notre conscience qui nous ordonne de faire cette déclaration à votre majesté, nous nous empressons de lui faire connaître que nous désirons ardemment d’en venir à un accommodement définitif dont les bases fondamentales soient en harmonie avec nos devoirs... Nous supplions votre majesté, disait en terminant Pie VII, d’accueillir le résultat de nos réflexions avec la même effusion de cœur que nous les lui avons présentées. Nous la prions, par les entrailles de Jésus-Christ, de consoler notre cœur, qui ne désire rien tant que d’en venir à une conciliation qui fut toujours l’objet de nos vœux. Nous la conjurons de considérer quelle serait la gloire qui en rejaillirait sur elle, les précieux avantages que procurerait à ses états la conclusion d’un accommodement définitif, gage d’une véritable paix pour l’église et digne d’être maintenue par nos successeurs. Nous adressons à Dieu les vœux les plus ardens pour qu’il daigne répandre sur votre majesté l’abondance de ses célestes bénédictions[1]. »


Le cardinal Pacca dans ses mémoires assure qu’on lui écrivit de Paris qu’en recevant cette lettre l’empereur aurait proféré les plus furieuses menaces, et qu’il aurait même été jusqu’à s’écrier : « Si je ne fais pas sauter la tête de quelques-uns de ces prêtres de Fontainebleau, les affaires ne s’arrangeront jamais. » Le même correspondant ajoutait qu’un conseiller d’état bien connu par ses principes antireligieux ayant dit à l’empereur qu’il pouvait terminer sur-le-champ toutes ces controverses en se déclarant lui-même chef de la religion dans l’empire français, Napoléon lui aurait répondu : « Non,

  1. Lettre du pape Pie VII à l’empereur Napoléon, Fontainebleau, 24 mars 1813.