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quelle serait à cette nouvelle l’exaspération d’un souverain qui regardait la conclusion du concordat comme une de ses plus belles victoires. Ne devait-on pas craindre qu’il ne se rejetât dans la voie de la persécution et de la violence?... Ou les concessions du 25 janvier étaient de peu d’importance, ou elles étaient funestes à l’église et contraires aux principes catholiques. Dans le premier cas, convenait-il que le pape manquât à sa parole, et dans le second comment concilier cette grave erreur et cette chute du souverain pontife avec la doctrine de l’infaillibilité du pape? — Il est inutile, répondaient les défenseurs de l’opinion contraire, de corriger les erreurs d’un traité dont les articles sont essentiellement mauvais, et ne sont point par conséquent susceptibles d’être amendés par de nouvelles clauses. Une rétractation solennelle, franche et entière du nouveau concordat était le seul moyen de remédier au mal qui avait été fait. Le lion sans doute ne se laisserait pas arracher sa proie sans rugir ; mais était-ce une raison pour violer la sainte maxime de la morale chrétienne qui défend de faire le mal, soit pour obtenir un avantage, soit à plus forte raison pour éviter un dommage?... Quant aux concessions faites par Pie VII, elles étaient souverainement préjudiciables au bien de l’église; mais elles n’infirmaient nullement la doctrine de l’infaillibilité. Pie VII avait promis et accordé ce qu’il ne devait ni promettre ni accorder, il n’avait pas enseigné une opinion erronée. Il était tombé dans une faute grave, mais non dans une erreur de foi. Or les plus ardens défenseurs de l’infaillibilité du saint-siège n’avaient jamais soutenu que les papes, qui sont infaillibles dans l’enseignement, le soient aussi dans leur conduite ou dans leurs actions...[1]. »

Tandis que les membres du sacré-collège discutaient si vivement entre eux ces importantes questions, il leur était difficile, quelle que fût leur réserve et de quelque minutieuses précautions qu’ils pussent s’environner, de ne pas exciter les ombrages de Napoléon. Déjà l’éveil lui avait été donné par le refus qu’avait fait Pie VII de recevoir une somme de 300,000 francs, envoyée de Paris comme à-compte sur son traitement de 2 millions. Certaines objections soulevées à Fontainebleau contre la rédaction des bulles d’institution canonique demandées pour des évêques récemment nommés avaient plus tard confirmé les méfiances du chef de l’empire. Habitué pour son compte à plus d’activité, il trouvait singulier que Pie VII ne se pressât pas davantage de mettre à exécution les clauses du nouveau concordat qui le concernaient personnellement. Ces retards lui parurent démontrer surabondamment l’intention arrêtée chez le pape d’en contester prochainement la valeur; c’est

  1. Œuvres complètes du cardinal Pacca, t. Ier, p. 323, 324.