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serait la conséquence indirecte de l’abondance des métaux précieux commettraient la même erreur que ceux qui contestent les avantages de la liberté commerciale, parce qu’elle n’a pas amené le bon marché qu’ils espéraient; elle ne l’a pas amené par la raison même qui a fait son succès, parce qu’en augmentant la richesse publique elle a développé le bien-être de chacun et accru le nombre des consommateurs. La question de prix plus ou moins forts est une question accessoire. Ce qui importe, c’est de voir si avec la même somme de travail on peut se procurer autant et plus de choses qu’autrefois. Or, quand on examine ce qui a eu lieu depuis vingt ans, il ne peut pas y avoir de doute à cet égard. Nous sommes aujourd’hui, malgré tout, beaucoup plus riches qu’avant 1848. On a beaucoup parlé des élémens factices de la prospérité actuelle. Il est sûr qu’avec des travaux comme ceux qui ont été entrepris dans la capitale depuis quelques années, et qui ont eu pour effet d’augmenter artificiellement la main-d’œuvre et le prix de bien des choses, avec l’esprit de spéculation qui s’est emparé de tant de gens, avec la diffusion de certaines valeurs mobilières qui ne reposent pas toutes sur des bases solides, il y a quelque chose de surfait dans le développement présent des affaires. Cependant, si l’on parcourt l’ensemble du pays, les villes et les campagnes, on est frappé de l’augmentation générale du bien-être; il y a des résultats qu’on ne peut méconnaître : les habitations sont plus propres et mieux installées, on se nourrit mieux, on s’habille avec plus de soin, et il n’est pas jusqu’au niveau moral de toutes les classes qui ne se soit élevé sensiblement, tant il est vrai qu’il y a une solidarité étroite dans tous les progrès de la société, et que s’enrichir matériellement, c’est aussi se développer moralement : les mêmes effets n’existeraient pas, ou tout au moins au même degré, si l’élévation du prix des choses était due simplement à la dépréciation des métaux précieux.


VICTOR BONNET.