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commença de s’élever. On peut supposer qu’il en serait de même aujourd’hui. Les prix sont au-dessous de ce qu’ils devraient être, de ce qu’ils ont été, à cause du ralentissement des affaires, et malgré une réserve métallique prodigieuse. Que demain les inquiétudes qui ont amené ce ralentissement s’évanouissent, que l’activité commerciale renaisse, et on verra simultanément l’encaisse baisser et les prix s’élever. Nous ne connaissons pas d’argument plus péremptoire pour prouver que ce qu’on appelle la trop grande abondance des métaux précieux n’existe pas, et qu’elle n’est pour rien quant à présent dans les modifications du prix des choses. Au XVIe et au XVIIe siècle, une production de 70 millions continuée pendant soixante-dix ans a suffi, avec des affaires restreintes, pour modifier singulièrement les prix. Au xv!!!*^ siècle, la production est de 200 millions et reste sans influence; aux environs de 1848, elle monte à 450 millions et se trouve à peine suffisante. Aujourd’hui elle est de 1 milliard; mais, comparée au progrès des affaires, elle est moindre qu’elle n’était au XVIIIe siècle avec 200 millions et avant 1848 avec 450. Ce milliard, nous l’avons dit, défalcation faite de ce qui est exporté et de ce qui est nécessaire pour réparer les pertes, laisse tout au plus 500 millions disponibles, ce qui augmente la réserve de 1 pour 100. Elle augmentait de 1 1/2 il y a vingt ans; par conséquent, si la production doit en rester là, il n’est pas à craindre, quant à présent au moins, qu’elle dépasse les besoins. En temps normal, elle leur serait plutôt inférieure. En sera-t-il toujours ainsi?

Personne assurément n’est en mesure de le prophétiser, tout dépend de ce que deviendra l’exploitation des mines et de ce que sera d’un autre côté le mouvement des affaires; mais il y a bien des raisons de croire que les prix ne seront pas de ce chef sensiblement modifiés, et que la monnaie changera peu de valeur. Sans parler des emplois industriels, qui ne feront qu’augmenter avec le progrès de la richesse, du goût du luxe qui sans cesse se développe, on peut déjà constater que, plus le stock métallique sera considérable, plus il faudra chaque année de ressources nouvelles seulement pour l’entretenir. La perte sur 46 milliards exige une somme annuelle de 200 millions. Il faut penser aussi que nos relations s’étendront de plus en plus avec les pays orientaux, et que nous aurons là un débouché immense pour l’excédant de nos métaux précieux. Macpherson, dans son Histoire du commerce avec l’Inde, a dit que les échanges de ces pays augmentèrent à mesure que les mines de l’Amérique versaient leurs trésors en Europe, ce qui empêcha cette partie du monde d’en être inondée, comme elle aurait pu l’être sans cela. Ce qui s’est passé au moyen âge se passe