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attestera qu’elles sont sérieuses et relèvera chez eux le niveau de l’instruction. Je crois donc ici encore que ce n’est pas le moment de supprimer notre baccalauréat, sous prétexte de liberté, quand le peuple le plus libre du monde sent le besoin d’en créer un; mais rien ne nous empêche de le perfectionner. Je voudrais beaucoup, pour ma part, y voir introduire une réforme que M. Duruy indique dans son Rapport à l’empereur, et qui est empruntée aux examens anglais. Les matières seraient divisées en obligatoires et facultatives, les premières peu étendues, des notions de latin et de grec, l’histoire de France, quelques élémens de mathématiques, les autres moins restreintes, plus élastiques, mais entièrement laissées au choix du candidat. Il ferait savoir d’avance sur laquelle de ces sciences facultatives il veut être interrogé. Pour être bachelier, il lui faudrait atteindre une certaine somme de points, et il serait libre de les obtenir d’une façon ou d’une autre. Une seule de ces études faite avec soin suffirait pour lui donner le nombre de points nécessaires. Il s’agirait donc pour lui de bien apprendre plutôt que de beaucoup apprendre. Il n’aurait plus intérêt, comme aujourd’hui, à effleurer toutes les connaissances humaines, et ne serait plus forcé, suivant l’excellente expression de M. Demogeot, de composer sa capacité d’une foule d’insuffisances. Ce qui rend cette réforme plus souhaitable, c’est qu’elle est un complément nécessaire de la loi de 1850. Qu’importe que nous ayons donné à tout le monde le droit d’enseigner, si par un examen aussi rigoureux nous enchaînons les maîtres à nos systèmes et ta nos méthodes? Laissons-les libres de diriger l’intelligence de leurs élèves comme ils le voudront, et soyons convaincus que la variété des travaux profiterait à la variété des esprits.

Je sais qu’on peut faire à ce changement une assez grave objection : il est à craindre qu’en allégeant le programme du baccalauréat on n’affaiblisse les classes. C’est pour forcer les élèves à ne négliger aucune partie de leurs études que successivement on les a toutes introduites dans l’examen. L’expérience prouve qu’ils cessent de s’occuper de celles qui n’y sont pas exigées. Ils ressemblent beaucoup à ces chrétiens dont les théologiens disent qu’ils n’ont que l’attrition; d’ordinaire ils sont loin d’éprouver pour leurs travaux un attrait désintéressé, et c’est la peur du baccalauréat qui fait presque toute leur vocation littéraire. Je touche là au mal le plus sérieux de notre enseignement ; il n’y a rien qui lui soit plus contraire que l’indifférence profonde ou même l’ennui visible que la plupart des exercices de nos lycées inspirent aux élèves. Ce qu’on fait ainsi à contre-cœur ne profite guère, et dans la jeunesse surtout, sans un peu d’enthousiasme et d’émotion, les leçons d’un professeur ne laissent dans l’âme et dans l’esprit aucune trace du-