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lytisme extraordinaire, par un dévoûment sans bornes à la cause qu’il a embrassée, par une intelligence de la doctrine nouvelle et une largeur de vues merveilleuses, par l’union en sa personne de l’âme du prophète et du bon sens du moraliste, par un esprit d’effusion et de hardiesse sans lequel il est peut-être permis de dire que la foi nouvelle n’eût pas dépassé l’étroite enceinte des synagogues. Auprès des disciples galiléens, Paul est un lettré. Il est né dans un centre de culture très raffinée. Il a été nourri dans l’étude de la loi à l’école d’un des maîtres les plus illustres du temps, et les exercices arides de la scolastique pharisienne n’ont pas éteint le feu dont son âme est faite. Il était à Jérusalem lorsqu’eut lieu l’exécution d’Etienne, et alors il se signala par sa violence. Son zèle contre les sectaires allait au point qu’il sollicita du sanhédrin une commission d’inquisiteur à Damas. C’est en se rendant dans cette ville qu’il reçut le coup de foudre, fut illuminé, et embrassa la foi qu’il allait combattre, il sera désormais le plus ardent des missionnaires, le plus libre et en même temps le plus impérieux interprète de l’Evangile.

M. Renan, dans ses Apôtres, nous a raconté la conversion de Paul et les premiers temps qui suivirent. C’est la partie la plus obscure de sa vie. On sait qu’il demeura trois années dans le Hauran, fit une apparition de quelques jours à Jérusalem, séjourna en Cilicie, et pendant un an ou deux en Syrie et à Antioche. On n’a pas oublié la forte et vivante peinture que M. Renan a faite de cette ville, dont le rôle est capital à l’âge apostolique. Jérusalem, qui a vu mourir Jésus et garde son tombeau vide, restera pour les fidèles jusqu’aux environs de l’an 70 la ville sainte, l’église-mère et comme le siège vénéré de l’amphictyonie chrétienne. Antioche, grande ville populeuse, mêlée, sans patriotisme ni noblesse, avec ses Asiatiques corrompus et superstitieux, ses Grecs de tout métier, ses Juifs tolérans, amis des étrangers, moins étroitement liés par les traditions et les scrupules nationaux que ceux de Palestine, devient le foyer du christianisme actif, militant et cosmopolite. Quel moment fut plus propice? La civilisation et la conquête ont fait leur œuvre. La philosophie, sans avoir pénétré les âmes, les a préparées. Les institutions locales sont partout énervées, les mœurs adoucies jusqu’à l’amollissement, la confusion religieuse extrême, le goût des croyances et des pratiques orientales universel, la tolérance des pouvoirs publics en matière religieuse fort large. La paix et l’unité romaine fraient la voie à une vaste propagande. Les Juifs, qui ont des synagogues ou des oratoires dans la plupart des villes de l’empire, et dont le prosélytisme discret a déjà entamé la société païenne, offrent aux porteurs de l’Évangile des points d’attaque pour l’invasion et la conquête pacifique du monde, et en