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quefois, il arrive à l’audience sous le poids de l’acte d’accusation, rédigé d’après les témoignages à charge; ahuri par toutes les phases de la procédure qu’il a déjà traversées, s’étant vu refuser des témoins dans le cabinet du juge d’instruction, il imagine qu’il lui est interdit de les invoquer, et il perd ainsi le bénéfice des assertions désintéressées qui pourraient proclamer son innocence ou du moins diminuer la gravité de son crime. Si au contraire l’accusé coupable est intelligent, si son conseil prend chaudement son affaire en main, il aura grand soin de garder pour l’audience publique les témoins à décharge, dont on n’a pas le loisir de rechercher la moralité, et les pièces de justification, dont la sincérité n’a pas été vérifiée. Il prend ainsi l’accusation à l’improviste, il la déroute, il trouble la conscience du jury, si facile à effrayer, et enlève bien souvent un de ces acquittemens scandaleux qui sont un outrage à la conscience du pays. Un simple paragraphe ajouté à l’article 71 du code d’instruction criminelle, et portant que «toute information aura lieu tant à charge qu’à décharge, » mettrait fin à un ordre de choses qui a souvent provoqué des résultats douloureux.

Lorsque le juge a terminé son instruction, il la communique au procureur impérial, qui, après avoir examiné la procédure, le requiert d’envoyer l’inculpé devant le tribunal compétent. Le juge ordonne alors que « les pièces de l’instruction, les procès-verbaux constatant le corps de délit et un état des pièces à conviction soient transmis au procureur-général près la cour impériale pour être ultérieurement procédé ainsi que de droit. » Le tribunal de première instance a terminé son œuvre; la cour impériale va commencer la sienne.


III.

Lorsque le procureur-général a pris connaissance de l’affaire, il en fait rapport à l’une des chambres de la cour impériale, dite chambre des mises en accusation. Non-seulement les séances de celle-ci ne sont jamais publiques, mais le procureur-général ou son substitut, après avoir fait son rapport, dépose ses réquisitions sur le bureau du président avec les pièces du procès, et se retire ainsi que le greffier. Les conseillers doivent alors délibérer. sans désemparer, et il leur est rigoureusement interdit de communiquer avec qui que ce soit. Après examen, ils rendent un arrêt ordonnant un supplément d’information, si celle-ci ne paraît pas suffisamment complète, ou renvoyant devant la cour d’assises l’inculpé, qui dès lors prend le nom d’accusé. On signifie à ce dernier l’acte de renvoi, il reçoit copie des pièces, et peut communiquer avec l’avocat