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nais, il parlait les langues étrangères, — la langue du Tasse, de Calderon et de Luther, — et portait le costume espagnol. « Humaniste, » quelque peu libre penseur et surtout fin connaisseur en matière d’art, il aimait passionnément la musique, faisait collection de camées antiques et de ciselures délicates de Benvenuto, recherchait avidement la société des lettrés, des sectaires, des « novateurs. » Dans quelques excellens portraits de ce roi qui nous ont été conservés, on découvre sans peine, à côté de la bonté, de la générosité proverbiale de la race jagellonienne, la distinction et la grâce exquises des figures privilégiées de la renaissance, aussi bien que l’alanguissement mélancolique d’un esprit pénétrant qui voyait loin dans l’avenir. Politique éveillé, Sigismond-Auguste avait en effet le sentiment profond des dangers qui déjà se levaient à l’horizon contre la Pologne, encore bien insouciante alors, et on a entre autres de lui une curieuse dépêche qu’il n’est pas inutile de rappeler dans un temps où l’on a vu l’Europe occidentale, aussitôt après la prise de Sébastopol, s’empresser de fournir à la Russie des capitaux et des moyens pour l’exécution de ses grandes lignes ferrées, de ces lignes stratégiques qui supprimeront l’espace, — le seul obstacle que la nature ait opposé jusqu’ici à la « mission » des tsars. Dès le XVIe siècle, l’Angleterre eut la diligence d’envoyer des mécaniciens, des artilleurs et des ouvriers de toute espèce au grand-duc de Moscou, qui n’était autre qu’Ivan le Terrible, — et c’est à cette occasion que le dernier des Jagellons écrivait à la reine Elisabeth : « Nous répétons à votre majesté que le tsar de Moscou, ennemi de toute liberté, augmente de jour en jour ses forces par les avantages de commerce et par ses relations avec les nations civilisées. Votre majesté n’ignore pas sa cruauté et sa tyrannie. Notre unique espérance repose sur notre supériorité dans les arts et les sciences; mais bientôt, grâce à l’imprudence des princes voisins, il en saura autant que nous... »

Non moins changé est l’aspect des diètes vers le milieu de ce siècle. Ce ne sont plus ces conventiones du temps de Ladislas II, sans périodicité, d’un caractère mal défini, d’une autorité problématique, et délibérant a du bien et du profit de l’empire » avec le consentement du prince. Au XVIe siècle, le roi est tenu de convoquer, par les universaux (lettres patentes), à des époques fixes, les « nonces» du pays; la représentation nationale est réglée, les pouvoirs de la chambre sont inscrits dans la loi. Le premier jour de la réunion du parlement, on célèbre la messe du Saint-Esprit; le lendemain, après avoir fait le choix de leur a maréchal, » les nonces entrent dans la salle du sénat, où les attend déjà le roi, assis sur le trône, entouré de ses ministres, des palatins, des castellans et des évêques, mem-