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mêmes répugnances à mettre en liberté le cardinal di Pietro, renfermé dans le donjon de Vincennes. « Quand le cardinal di Pietro sera arrivé, dit-il au pape d’un ton ironique, vous irez vous confesser à lui[1]. » Le soir même de la signature du concordat, il dicta à l’évêque de Nantes une lettre si étrange qu’il est assez difficile de deviner si elle était inspirée par une intention gracieuse, ou si elle contenait un sarcasme amer. « Votre sainteté ayant paru craindre, au moment de la signature des articles du concordat qui mettent un terme aux divisions qui affligent l’église, que cela ne comportât une renonciation à la souveraineté de Rome, je me fais un plaisir de l’assurer par la présente que, n’ayant jamais cru devoir la demander, je ne puis donc entendre qu’elle ait renoncé directement ou indirectement par lesdits articles à la souveraineté des états romains, et je n’ai entendu traiter avec vous qu’en votre qualité de chef de l’église dans les choses spirituelles[2]. »

Cette disposition mécontente dura peu toutefois. Napoléon comprit vite qu’il commettrait une imprudence en se montrant peu satisfait, et surtout en remettant hors de propos en question le sens d’un compromis qui n’était pas définitif, et dont il était à craindre pour lui que le saint-père ne fût le premier à se repentir. Dans la matinée du 25 janvier 1813, avant que Pie VII n’y eût apposé sa signature, il avait déjà dicté à son ministre des cultes les instructions les plus détaillées pour l’exécution immédiate du concordat[3]. Il n’en révoqua aucune. Il y ajouta au contraire l’ordre d’expédier une estafette au général Miollis, afin de lui faire connaître l’arrangement qui venait d’être contracté avec le pape, et lui en fit envoyer l’analyse. Le gouverneur de Rome ne devait pas l’imprimer ; il devait seulement s’en servir dans ses conversations. Même communication était adressée à Milan à M. Melzi, grand-chancelier du royaume d’Italie[4]. Le lendemain, afin de donner un témoignage ostensible du changement qui venait de s’opérer dans les

  1. Œuvres complètes du cardinal Pacca, t. Ier, p. 317.
  2. L’empereur à sa sainteté le pape Pie VII, Fontainebleau, 25 janvier 1813. — Cette lettre n’est pas insérée dans la Correspondance de Napoléon Ier. La version que nous en donnons, différente de celle produite par le cardinal Pacca, a été copiée d’après la minute écrite sous la dictée de l’empereur par l’évêque de Nantes.
  3. Ces instructions, dictées le 25 janvier 1813 au matin, ne sont pas insérées dans la Correspondance de Napoléon Ier.
  4. L’empereur à M. Melzi, duc de Lodi, grand-chancelier du royaume d’Italie. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XXIV, p. 448. — La lettre écrite à M. Melzi se terminait ainsi : « Si, lorsque la nouvelle de ces arrangemens se saura en Italie, quelques articles de journal étaient nécessaires pour diriger l’opinion, vous les rédigeriez vous-même, et dans ce cas vous feriez connaître la vérité sans vous servir des mêmes mots et de manière qu’il n’y eût rien d’officiel. Ces articles pourraient être nécessaires pour Ancône et Bologne. Vous seul devez garder cette copie du concordat, et, sous quelque prétexte que ce soit, vous n’en devez donner connaissance à personne. »