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d’années, publiait ici, même une série d’études qu’il intitulait : Portraits de Rome aux différens âges ; la collection des portraits de Paris aux différens âges est brillamment inaugurée par le travail de MM. Le Roux de Lincy et Tisserand. Ce travail embrasse une période très nettement circonscrite ; il commence avec le XIVe siècle et se termine vers le milieu du XVe, à la veille de la découverte de l’imprimerie. C’est toute la fin du moyen âge et la première aube de la renaissance ; surtout, en ce qui concerne l’histoire de Paris, c’est une période très distincte, très originale, qui ne ressemble ni à ce qui précède ni à ce qui suit. Avant le XIVe siècle, on rencontre dans les écrits du temps certaines mentions de la cité qui sera un jour la grand’ ville, une page à détacher, un trait à recueillir, de quoi former une sorte d’anthologie historique, mais rien de suivi, rien qui offre un ensemble ; après la découverte de l’imprimerie paraissent les écrivains lettrés, chez lesquels l’histoire de Paris a le caractère d’une étude savante beaucoup plus que d’une description originale et d’un témoignage naïf. Entre les premiers, qui décrivent seulement pair occasion, et les autres, qui s’appliquent à leurs compilations laborieuses, les chroniqueurs du XIVe et du XVe siècle occupent une place à part. C’est à ces chroniqueurs que MM. Le Roux de Lincy et Tisserand viennent d’élever, on peut le dire, un véritable monument, grâce à la munificence de la ville de Paris.

Voici d’abord Jean de Jandun, qui écrivait en 1323 ses Éloges de Paris, Recommentatio civitatis parisiensis, tractatus de laudibus parisiis. Ses naïves descriptions ne manquent ni de couleur ni de force, soit que, parlant des médecins, « ces princes de la science, ces hommes que le sage nous ordonne d’honorer comme étant créés par le Très-Haut pour nous secourir, » il nous les montre si nombreux, si empressés dans les rues de Paris, reconnaissables à leurs habits précieux et à leurs bonnets de docteur, in suis preciosis habitibus et capitibus birretatis, soit que, décrivant les théologiens de Sorbonne, ces vénérables pères et seigneurs, ces satrapes célestes et divins, cœlestes et divini satrapœ, il leur demande compte de leurs discussions subtiles. « Quel avantage la religion catholique tire-t-elle de cet exercice ? Dieu le sait. » Après Jean de Jandun, voici Raoul de Presles, qui, traduisant la Cité de Dieu de saint Augustin, et rencontrant un chapitre sur les prospérités accordées à l’empereur Constantin par la protection divine, fait le commentaire de ce chapitre, applique à la France de Charles V les principes de l’évêque d’Hippone, nous donne enfin d’intéressans détails sur les accroissemens de Paris et ses beaux maçonnages. Plus loin, voici Guillebert de Metz avec son curieux livre : la Description de la ville de Paris et de l’excellence du royaume de France. C’est le Paris de Charles VI qui est décrit par Guillebert de Metz ; arrivez à la fin du volume, vous trouverez le Paris de Charles VII dans le poème latin d’Antoine Astesan. Au texte de ces précieux