Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/450

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

été soutenues dans des circulaires célèbres avec une exagération que le gouvernement ne prétend pas imiter… Voici comment un grand ministre, un ministre libéral, le comte de Cavour, s’expliquait sur les candidatures officielles : « Le gouvernement ne doit pas rester étranger à cet acte suprême de la vie d’un peuple, les élections ; mais il doit y intervenir ouvertement, avec des moyens francs et loyaux, en reconnaissant pour amis, non ceux qui seraient disposés à donner leur appui à un acte ministériel quelconque, mais ceux qui partagent ses principes, qui suivent le même drapeau, qui sont décidés à faire triompher la même politique. » Les argumens que produit M. de Forcade La Roquette, les exemples qu’il invoque, sont d’un effet sûr dans une assemblée où la parole rapide domine la réflexion ; ils n’ont plus la même valeur pour l’observateur appliqué à saisir le fait politique dans sa réalité effective. Que des hommes de gouvernement, se croyant en possession de la vérité et nécessaires au salut du pays, recommandent leurs adhérens et mettent au service de ceux-ci les moyens d’action dont ils disposent, cela s’est vu assurément, et se verra encore dans plusieurs pays, parce que le besoin de convaincre, de dominer, de se défendre, découle de ces instincts naturels qui se font jour malgré tout ; mais dans tous les pays connus jusqu’en 1852, si ce n’est à Rome sous les césars, les influences administratives ont été tolérées et non pas légalisées. Il y a eu des candidatures soutenues, mais non pas imposées en vertu d’un acte officiel. Dans les exemples signalés par M. de Forcade La Roquette, que voyons-nous ? Des ministères intervenant dans les élections à leurs risques et périls, ne découvrant pas le souverain et ne compromettant qu’eux-mêmes, si l’abus des influences, allant jusqu’à la corruption ou l’intimidation, prenait le caractère d’un délit. Dans la combinaison de 1852, les ministres n’existent pas pour le public : les candidatures officielles, décernées comme une fonction par le choix personnel du souverain, appuyées par toutes les forces administratives, sont présentées comme un complément nécessaire des institutions impériales.

Il en était ainsi à l’origine du moins, et c’était logique. Suivant la constitution consacrée à deux reprises en 1852 par près de 8 millions de suffrages le chef de l’état déclare la guerre, fait les traités de paix, d’alliance et de commerce, nomme à tous les emplois ; il a seul l’initiative des lois, et quand elles sont votées par les corps délibérans, c’est lui qui en règle par décrets l’exécution. Par ces décrets, il donne force de loi aux tarifs internationaux, il ordonne ou autorise les travaux d’utilité publique et les entreprises d’intérêt général. Ses ministres, sans solidarité entre eux, ne dépendent que de lui seul ; il nomme les maires des 38,000 communes, et peut les choisir hors des conseils municipaux. Il a le droit