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40,000 individus. Quoique adoptée le 9 août 1793 par les 44,000 communes de la république, excepté par celle de Saint-Tonnent (Côtes-du-Nord), qui la repoussa, cette conception informe ne fut jamais mise en pratique : la proclamation du gouvernement révolutionnaire jusqu’à la paix la fit avorter. La constitution de l’an III (1795), rédigée par Daunou, Chénier, Lanjuinais et Boissy d’Anglas, renouvela le régime inauguré par l’assemblée constituante en subordonnant la qualité de citoyen français au paiement d’une contribution directe ou à l’accomplissement d’un service militaire. Les citoyens français désignaient en assemblée primaire les électeurs, qui nommaient à leur tour les membres du conseil des anciens et les cinq-cents. L’électeur devait justifier d’une certaine situation sociale. Vint le 18 brumaire, qui ouvrit carrière à des combinaisons toutes nouvelles.

Le procédé électoral du premier empire, fort compliqué en théorie, était singulièrement simplifié dans la pratique et peu gênant pour le pouvoir. C’est un suffrage à plusieurs degrés, avec le vote universel à la base et le despotisme le plus écrasant au sommet. Aux termes de la loi du 16 thermidor an X, tous les citoyens en possession de leurs droits civils étaient convoqués en assemblées nationales, et devaient désigner deux catégories d’électeurs, sous les noms de collèges d’arrondissement et de collèges de département, La différence entre ces deux groupes résultait de ce que les premiers étaient éligibles sans condition de cens et que les seconds devaient être choisis parmi les contribuables les plus chargés. Ils étaient exposés néanmoins à être frappés de dissolution au moindre mouvement d’indépendance. Ce n’est pas tout. Le pouvoir se réservait le droit de conférer le titre d’électeur et d’introduire dans les collèges des gens étrangers à la localité dans la proportion de un sur dix. « Quand on contemplait, dit Benjamin Constant, les deux cents citoyens réunis dans une salle et surveillés par vingt délégués du maître, on croyait voir des prisonniers gardés par des gendarmes plutôt que des électeurs procédant à la fonction la plus imposante et la plus auguste. » Les diverses catégories d’électeurs étaient nommées à vie ; ils se réunissaient au besoin pour dresser des listes départementales de candidats à la députation. Sur ces listes, le sénat conservateur choisissait les députés au corps législatif. On pense bien qu’un pareil système ne fut jamais pris au sérieux ; la manière dont on le pratiquait acheva de le rendre ridicule. Le rapporteur pour la première loi électorale discutée sous la restauration, M. Bourdeau, un magistrat éminent qui fut depuis garde des sceaux, raconte que, pour les assemblées cantonales, le vote était en quelque sorte tombé en désuétude. Dans chaque