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roi Louis-Philippe n’a pas cherché pendant son règne à excéder les limites du pouvoir monarchique que lui attribuaient les institutions ; il n’a pas cherché à revenir, en fait, sinon en droit, à l’article 14 de la charte, et il n’est pas tombé du trône pour avoir essayé de saisir la dictature. Je suis tout à fait de l’avis de M. Guizot sur ce point ; je suis aussi tout à fait de son avis sur la réforme qui est en train de se faire dans les institutions actuelles, et sur les conditions de cette réforme ; il faut annuler complètement le principe de la dictature, il faut maintenir soigneusement le principe de la monarchie. On a compromis le principe en l’exagérant ; il faut le rétablir en le modérant et en le dégageant de toute alliance avec la dictature. Je me laisserais volontiers aller à traiter cette question qu’a si bien posée M. Guizot ; mais il y a là une autre question qui sort inévitablement de la conclusion de M. Guizot. Si le roi Louis-Philippe n’est point tombé du trône pour avoir voulu s’arroger le gouvernement personnel et pour avoir essayé de changer la monarchie constitutionnelle en dictature, pourquoi donc est-il tombé ? Sa chute n’est-elle qu’une erreur populaire, une catastrophe sans cause et sans justice ? Le pays doit-il ne s’en prendre qu’à lui-même, et ne doit-il se plaindre que de lui-même, s’il a perdu de gaîté de cœur la monarchie constitutionnelle, qu’il essaie de retrouver aujourd’hui ?

Cette question arrive inévitablement après les réflexions de M. Guizot. Je pourrais dire ici, comme le font encore aujourd’hui et comme le faisaient surtout beaucoup de personnes dans les premiers temps de la catastrophe de 1848 : c’est la faute des ministres ; c’est la faute de M. Guizot lui-même. Selon moi, il y a d’autres coupables que les ministres de 1846 et 1847, et des coupables qui se croient fort innocens parce qu’ils ont été plus ou moins victimes des événemens qu’ils ont causés. J’accuse sans hésiter la majorité de 1846 et 1847 ; c’est elle qui a fait le mal parce qu’elle ne l’a pas empêché et qu’elle avait le pouvoir et par conséquent le devoir de l’empêcher. Quand en 1846 et 1847 les amis les plus fidèles du roi Louis-Philippe et de sa dynastie le pressaient.de changer le ministère de 1840, le roi répondait en véritable souverain constitutionnel qu’il ne savait pas ce qu’on lui demandait, que son ministère avait la majorité dans les chambres, qu’il restait dans le cercle de la procédure parlementaire, que, s’il en sortait en faisant par un acte de volonté individuelle un nouveau cabinet, il tomberait dans l’abus du gouvernement personnel ; si la majorité croyait que le pays voulait un nouveau ministère, elle n’avait qu’à le signifier par ses votes, le roi céderait alors à l’expression des vœux du pays représentés par les votes de la majorité dans la