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savans qui ont introduit cette notion dans leur enseignement. Il en reste du moins quelque chose dans la notation qu’emploient maintenant la plupart des chimistes de la nouvelle école. Ils désignent par des accens le degré d’atomicité des corps. Cet usage, inauguré par M. Odling, donne des symboles d’une grande clarté[1].

Voici tout de suite quelques traits caractéristiques de la théorie de l’atomicité. La science ancienne admettait que la force chimique ne s’exerce qu’entre des atomes ou des particules hétérogènes. On est revenu de cette idée. Déjà nous avons eu occasion d’indiquer que Gerhardt regardait l’hydrogène et le chlore à l’état libre comme formés de deux atomes identiques rivés l’un à l’autre. Comme chacun de ces élémens est monatomique, cette réunion les satisfait complètement ; l’hydrogène libre (ou hydrure d’hydrogène), le chlore libre (ou chlorure de chlore), l’acide chlorhydrique, sont des combinaisons saturées. Que dire maintenant de l’oxygène, qui a deux atomicités à satisfaire ? Elles peuvent être toutes deux satisfaites par les deux atomicités d’un autre atome d’oxygène, et l’oxygène libre apparaîtra ainsi comme le résultat de ce double échange. On pourrait dire, en recourant à la figuration dont nous nous servions tout à l’heure, que chacun des deux atomes d’oxygène s’attache à l’autre par ses deux bras. Toutefois ce n’est là évidemment qu’un cas particulier. Ordinairement les atomes d’oxygène ne s’attachent l’un à l’autre que par un seul de leurs bras, et forment ainsi une chaîne plus ou moins longue à chaque extrémité de laquelle se trouve un bras libre qui peut se saturer par un élément monatomique[2].

Cette propriété qu’ont les atomes d’attirer et de fixer des atomes de la même espèce n’apparaît dans aucun cas avec plus de clarté et ne présente plus d’importance que dans les combinaisons du carbone. M. Kékulé, dans un beau mémoire publié en 1858, a donné une théorie des hydrogènes carbonés qui est devenue comme le fondement de la nouvelle chimie organique. Nous avons déjà mentionné plusieurs fois le gaz des marais, dont la formule s’écrit CH4. Ce gaz est le premier terme d’une série d’hydrocarbures tous saturés dans

  1. Ainsi on écrit H’ O" Az’" C"" pour exprimer les atomicités respectives de l’hydrogène, de l’oxygène, de l’azote, du carbone. La même notation s’applique aux radicaux composés. Ainsi on écrit (C2H4)" pour montrer que le gaz oléfiant ou éthylène est diatonique ; (C3H5)’" représente le radical glycéryle, auquel est due la triatomicité de la glycérine.
  2. Le fait que nous indiquons sera mis en relier par les formules suivantes :
    O" = O" une molécule d’oxygène
    H — O" — H une molécule d’eau
    H — O" — O" — Cl une molécule d’acide chloreux
    H — O" — O"- O" — O" — Cl une molécule d’acide perchlorique.