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impérial porteur du firman d’investiture ; cette fois la Porte, mieux inspirée, ne faisait pas les mêmes réserves qu’à l’avènement du prince Michel ; elle renouvelait les déclarations du hatti-schérif de 1830 ; elle reconnaissait au prince Milan non plus une dignité élective et viagère, mais un pouvoir Fondé sur l’hérédité. En même temps arrivaient à Belgrade, de la part de tous les souverains de l’Europe, des assurances de bon vouloir et des félicitations pour la sagesse dont avait fait preuve le peuple serbe.

La skoupchtina s’était séparée au bout de quelques jours, non sans avoir pris une série de résolutions. Menacés par l’assemblée d’être mis en accusation, MM. Nicolas Christitch et Raïko Léchianine, les ministres impopulaires du prince Michel, s’étaient hâtés de donner leur démission avec tous leurs collègues ; la régence les avait remplacés, et la liste du nouveau cabinet avait été soumise aux députés. Ces choix n’avaient d’ailleurs qu’une médiocre importance ; MM. Blasnavatz et Bistitch gardaient naturellement la haute main, l’un sur l’année, l’autre sur les affaires étrangères. Ce qui mérite plus d’attention, ce sont les vœux qu’émit la skoupchtina ; elle exprima le désir que désormais les représentans du pays fussent annuellement convoqués, que des lois fussent présentées pour établir la liberté de la presse, pour introduire le jury dans les tribunaux, et régler la responsabilité des ministres.

Par ces vœux, dont elle avait connu d’avance et approuvé l’expression, la régence se faisait tracer tout un programme de politique intérieure ; en même temps une autre résolution de la diète associait le pays tout entier au procès déjà commencé contre les meurtriers du prince. Voici en quels termes cette motion fut votée par l’assemblée : « Que l’ex-prince Kara-Georgevitch soit voué, lui et sa famille, à la malédiction éternelle, et que jamais aucun de ses descendans ne puisse monter sur le trône de Serbie ! Que l’on réclame son extradition du pays ou il se trouve, celle de son fils Pierre et de tous ses complices, et que, si on ne l’obtient pas, on les exclue de la protection des lois du pays ! Que leurs biens en Serbie servent à couvrir les dépenses occasionnées par leur méfait ! Que l’on recherche et l’on punisse avec la dernière sévérité les complices du crime, et que leurs biens servent également à couvrir les dépenses qu’ils ont occasionnées. »

Ceci nous ramène au procès des assassins ; commencé dès le lendemain du meurtre, il ne devait se terminer qu’en novembre. Si nous avons différé jusqu’ici d’en parler, c’est que nous avons voulu pouvoir résumer en une fois les résultats que fournirent les interrogatoires de trois séries d’accusés et les condamnations qui furent successivement prononcées. Le domestique de M. Garachanine avait reconnu deux des meurtriers, grâce aux mesures rapidement prises