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trente ans qui remplit ces mêmes conditions, et qui n’est pas employé salarié du gouvernement. Regardés comme étrangers et nomades, les Tsiganes ne sont ni électeurs ni éligibles. D’après le journal serbe le Vidovdan, l’assemblée qui se réunit près de Belgrade le 2 juillet se composait de 422 députés ; sur ce nombre, 48 membres appartenaient au clergé, 11 au corps d’officiers de la milice nationale, 26 au commerce, 3 aux arts et métiers. On comptait 193 fonctionnaires municipaux et 141 paysans ; il n’y avait qu’un avocat.

La salle des séances avait été préparée dans une des prairies voisines de Topchi-déré ; je la trouvai encore debout en septembre. Elle ressemblait assez à une de ces constructions de planches et de toile que l’on élève parfois dans nos villages pour un bal ou un comice agricole. Sur un des petits côtés de ce hangar, on montait par quelques marches à une estrade où avaient figuré le métropolitain, le gouvernement provisoire et le prince ; à droite et à gauche étaient deux plates-formes pour les ministres, les sénateurs, les consuls ; en. face, quatre rangées de bancs de bois, sur lesquels s’étaient serrés les députés. Il n’y avait d’autres décorations que quelques drapeaux aux couleurs nationales. Du seuil, on apercevait le taillis où avait été frappé le prince.

L’assemblée commença de siéger dès sept heures du matin. En deux heures, elle avait vérifié les pouvoirs de tous ses membres et constitué son bureau. Vers neuf heures, la vraie séance s’ouvrit. M. Marinovitch, chef du gouvernement provisoire, souhaita la bienvenue aux députés ; ils avaient été convoqués, leur dit-il, pour élire un nouveau souverain, pour lui donner une liste civile, et pour choisir les membres de la régence ; c’était d’eux qu’il dépendait de proclamer le jeune prince dont le gouvernement, la capitale et l’armée avaient déjà reconnu les titres, Milan Obrenovitch IV. De toutes parts on répondit : « C’est sa naissance qui l’a fait notre souverain ; nous n’avons qu’à constater son avènement et à lui souhaiter un règne heureux et long. » Aussitôt de toutes les bouches sortit le cri national zivio, ordinaire expression de l’allégresse et de l’enthousiasme slave. On pourra s’étonner de voir une assemblée refuser de se reconnaître à elle-même un pouvoir que lui concèdent ceux qui parlent au nom du prince, et s’incliner ainsi devant un droit héréditaire qu’elle proclame supérieur au sien et désormais indépendant de ses votes. L’anomalie n’est pourtant qu’apparente : les Serbes savent que le jour où le pays tiendrait à se débarrasser d’un souverain tyrannique ou incapable, rien n’empêcherait la skoupchtina d’agir encore comme elle l’a fait avec Milosch en 1840 et avec Kara-Georgevitch en 1858. En attendant, ils tiennent à proclamer ce principe de l’hérédité dans lequel ils voient une garantie d’ordre et de stabilité ; ils y tiennent d’autant plus que la Porte, qui