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personne dans cette lutte qui se passe en dehors, de nous, nous voyons d’un point de vue libre tomber tour à tour les étais qui soutenaient l’alliance du trône et de l’autel. Combien en reste-t-il aujourd’hui ? En France, la royauté n’est plus, l’empire s’est démocratisé. En Italie, le peuple demande Rome pour sa capitale. L’Autriche, sans changer de roi, a changé de royauté. L’Espagne vient de changer l’un et l’autre. Ainsi les peuples se retirent tour à tour, et le pire est qu’ils ne cessent pas pour cela d’être chrétiens.

L’alliance de la religion et de l’état, en prêtant à l’enseignement sacré et aux rites une force prépondérante, en est donc venue à régler la durée des orthodoxies ; mais ces trois moyens de propagation se sont diversifiés selon les races, les peuples et les temps. J’ai déjà rappelé au lecteur que dans l’Inde, par exemple, les parts de religion données aux hommes étaient inégales : les dogmes et les rites formaient un trésor dont les brahmanes seuls avaient la clé ; ils en distribuaient à la caste royale une mesure assez grande pour s’assurer son alliance et pour la maintenir dans son devoir vis-à-vis d’eux comme dans sa supériorité à l’égard des autres castes. De même ce que la caste des marchands et des laboureurs recevait de religion suffisait pour la maintenir au-dessus des malheureux çûdras, dont le rôle était de servir, mais non pour l’égaler à ses supérieurs ; quant aux çûdras, ils n’avaient aucune part à la religion aryenne et demeuraient dans leurs grossières superstitions. J’ai expliqué comment la conservation de l’orthodoxie brahmanique fut liée à ce système : il est bien curieux que la morale brahmanique soit d’une beauté admirable, et que pourtant elle soit jointe à une orthodoxie politique profondément inhumaine. La science n’a aujourd’hui aucune peine à expliquer cette contradiction, car elle repose tout entière sur la différence des races. Il est à peu près démontré qu’à leur arrivée sur l’Indus les Aryas formaient déjà une société mêlée où les classes supérieures seules étaient pures, tandis que la troisième contenait une proportion peut-être assez grande de sang touranien ; mais comme celle-ci était pourtant très supérieure aux pauvres barbares (varnara) qu’elle trouva devant elle, tout le peuple conquérant n’eut pas de peine à les reléguer dans une quatrième caste et à s’en faire des esclaves. Un fait analogue se passait dans l’Asie centrale, où les Mèdes, peuple mêlé, finirent par se trouver classés au-dessous des Perses, purs Aryas, qui furent les prêtres et les seigneurs de l’empire de Cyrus. La même chose eut lieu dans de minimes proportions le long de l’Eurotas après le retour des Doriens ? mais l’absence de races infimes y réduisit les castes à trois, Spartiates, Laconiens et hilotes.

L’église latine et les sociétés modernes se trouvèrent, quant aux races, dans des conditions beaucoup plus complexes après les