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partie la plus riche de l’île. L’or s’y rencontre à fleur de terre, et il suffit de laver avec un peu de patience les sables des ruisseaux qui coupent en tout sens les versans des montagnes d’origine volcanique pour y recueillir des paillettes du précieux métal. Il n’est peut-être pas inutile d’aviser les futurs explorateurs de ce nouvel eldorado qu’au début ils trouveront, comme en Californie, les forêts du district de Surigao et des provinces adjacentes occupées par des tribus farouches qui n’admettront point sans combattre l’invasion des chercheurs d’or. L’indolence des possesseurs actuels de ces riches gisemens est d’ailleurs si grande qu’on peut s’en rapporter à eux pour conserver intacts les trésors mis à leur portée par la nature. Se bornant à recueillir la poudre d’or strictement nécessaire pour acquérir soit une pièce de cotonnade bleue, soit quelques joyaux de bijouterie fausse, ils retournent à leur incurable paresse des qu’ils possèdent l’objet de leur convoitise, et surtout celui de leurs femmes. C’est souvent pour satisfaire un caprice de ces dernières qu’on les voit, chrétiens ou infidèles, entreprendre des travaux ou des actes de piraterie dont pour eux-mêmes ils ne voudraient point affronter les fatigues et les périls.

Un officier espagnol qui connaissait bien leur faiblesse en tira un curieux avantage. Tous les hommes valides d’un village qu’il avait à châtier s’étant enfuis, il courut s’emparer des femmes qui s’y trouvaient, et les conduisit triomphalement prisonnières à Samboanga, Il fut accueilli par de grands éclats de rire ; mais le lendemain on ne le plaisantait plus, car dès l’aube tous les hommes du village accouraient à Samboanga, demandant à partager la captivité de leurs femmes. C’étaient des Illanos appartenant à une des tribus les plus énergiques. On dut les embarquer pour le nord de l’île de Luçon, où oh leur donna des terrains à défricher et à mettre en culture. Peu de temps après, ils abandonnaient la colonie pour revenir à leurs montagnes de Mindanao. Par un miracle d’énergie, ces hommes d’apparence chétive réussirent à faire une traversée de plus de cent lieues dans des pirogues formées de troncs d’arbres grossièrement creusés, n’ayant pour nourriture que quelques racines, un peu de riz, et pour boisson que l’eau du ciel.

Les Chinois ont seuls osé transporter quelques produits d’Europe jusqu’au milieu des montagnes où s’élèvent les villages des indigènes. Dès leur arrivée au milieu d’une population, ils s’assurent par des cadeaux l’appui d’un chef appelé par eux souqui ou protecteur. Pendant que, sous cette fragile sauvegarde ils se livrent à leur trafic, leurs yeux obliques trahissent des craintes secrètes. Il suffit en effet que le chef du village, peu satisfait des présens reçus, manque à la parole donnée pour que le pauvre diable de Chinois soit à peu près perdu. Non-seulement ses marchandises sont