Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 81.djvu/906

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sous sa présidence, rédigea un tarif de salaires destiné à rester en vigueur pendant un an. L’expérience, dont Wolverhampton était le siège, semble avoir de nouveau réussi. Plus tard, M. Kettle, ayant formé un autre conseil d’arbitres à Coventry, eut à le départager sur le taux des salaires, et donna raison aux ouvriers ; les maîtres acceptèrent sa décision sans murmurer. C’est également dans un conseil d’arbitres que M. Mundella a trouvé un instrument de paix pour la ville de Nottingham, qu’une suite d’émeutes et d’attentats avait rendue célèbre au commencement du siècle. En 1860, une crise affreuse la menaçait des mêmes calamités. Les unions étaient à la veille de s’engager toutes dans une grève, et les maîtres, comme représailles, menaçaient les ouvriers d’un renvoi général. M. Mundella, pour conjurer la rupture, fit un appel aux uns et aux autres, combattit les préventions réciproques, et parvint à composer un conseil mixte devant lequel on porta les questions en litige. Les unions, loin de s’opposer à l’arrangement, en furent les auxiliaires les plus actifs ; leurs secrétaires recueillirent les votes et en firent le dépouillement. De ces choix dépendait le succès, et les maîtres ne virent pas sans inquiétude sortir de l’urne les noms des plus ardens parmi les ouvriers ; mais ces hommes ardens étaient aussi des hommes éclairés qui avaient sur leurs camarades un ascendant réel. Ils mirent cet ascendant au service du conseil, où entrèrent dix maîtres et dix ouvriers. M. Mundella en était président. Jamais, à son témoignage, conseil mixte ne rendit une présidence plus facile. Point de débats orageux et triomphe assuré aux idées équitables. Ces ouvriers assis près des maîtres, mélangés indistinctement avec eux, étaient devenus les plus maniables des collègues. La tâche du conseil était d’arrêter des tarifs de salaires qui demeuraient en vigueur tant que l’état du marché le permettait. Tout changement devait être dénoncé un mois à l’avance par la partie qui le réclamait, et après ce délai discuté et voté à la majorité des voix. Rarement on en venait là ; presque toujours la question était tranchée par un accord préalable. Ainsi, dans les deux cas, l’apaisement se fait au moyen d’une justice qui prend les différends au début, empêche qu’ils ne s’enveniment, les adoucit par de bonnes paroles, si elle ne les termine point par des concessions.

Dans la déposition de M. Briggs, il s’agit d’autre chose, du spécifique en vogue, le régime de la coopération, et alors ce n’est plus l’arbitrage, c’est l’identité d’intérêts qui désarme les contendans. Singulière physionomie que celle de M. Briggs, dont un de ses contre-maîtres disait que, « s’il avait des cornes, il serait le diable en personne. » Entouré d’ouvriers peu maniables, il les assouplit comme s’il eût été armé d’un talisman. Deux réformes lui