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D’Antioche, les mécontens se portèrent dans la campagne ; on les y pourchassa, et les scènes de violence qui avaient déshonoré et ensanglanté Constantinople et sa banlieue se renouvelèrent dans la métropole de la Syrie. Appuyé par l’autorité civile et par les exécutions militaires, le nouveau patriarche opprima non-seulement le clergé de son église, mais celui des églises voisines. Ce fut une révolution dans toute la province ; il suscitait partout des cabales, il faisait expulser les évêques ou les déposait lui-même pour en nommer de nouveaux, et alors on vit des scandales qui dépassaient de bien loin ceux qu’avait réprimés Chrysostome dans l’Asie-Mineure. L’épiscopat était à l’encan, on le demandait, on l’offrait, on le marchandait comme une chose vénale dans un marché public, et le plus indigne était toujours le plus recommandé par Porphyre. Des vols, des spoliations de biens ecclésiastiques, des énormités contre les canons, se passèrent dans ces exploitations de la dignité épiscopale et de la fortune des églises. On nommait, on ordonnait des gens inconnus ou sans garanties, et on ne savait bientôt plus qui on avait ordonné. Toutes les règles ecclésiastiques étaient bouleversées. Pour obtenir des évêques corrompus, on corrompait d’abord les électeurs, clercs ou laïques, et les moyens les plus bas étaient mis en usage. Des tables étaient dressées dans les rues, des repas publics servis à tout venant, de l’argent distribué. « Autrefois, dit avec amertume un écrivain du temps, les apôtres se préparaient par la prière et le jeûne à la sainte opération d’une élection d’évêque ; on s’y prépare aujourd’hui par la débauche et l’ivresse ; les églises sont devenues des foires où chaque candidat à l’épiscopat ou au sacerdoce vient étaler ses promesses et ses cadeaux. » Un autre ajoute qu’il s’abstiendra de dire combien d’évêques furent déposés, combien d’autres mis à leur place, combien de corrupteurs infestèrent les églises. « Ce sont choses trop tristes, dit-il, pour être enregistrées dans l’histoire. » Il y en eut une néanmoins tellement scandaleuse que l’histoire a dû l’enregistrer, ce fut la nomination d’un eunuque, ancien esclave et maintenant domestique d’un tribun, homme impur, chargé de crimes, et que les catholiques appelaient « l’abomination de la désolation. » Ce misérable fut élu évêque d’Éphèse à la place d’Héraclide, ancien diacre de Chrysostome. « Et l’on n’eut pas honte, s’écrie l’auteur que nous citons, de poser l’Évangile sur la tête d’un pareil monstre. » Tels furent les débuts de ce patriarcat de Porphyre, qui lui valurent l’honneur d’être désigné par un décret impérial comme un des trois types de la foi catholique en Orient.

Arsace, qui avait comme archevêque de Constantinople la primatie dans le triumvirat, laissait ces saturnales ecclésiastiques se pas-