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pour magicien. En dépit de ces pratiques qui l’eussent dû exclure pour toujours du sacerdoce, il y parvint néanmoins à force d’intrigues et de bassesses, car il était souple, insinuant, flatteur des grands, habile à déguiser sous un air riant et satisfait les haines jalouses qui rongeaient son âme ; Porphyre était déjà vieux à l’époque de nos récits. On eût malaisément soupçonné à un pareil prêtre, toléré plutôt qu’accepté dans le sacerdoce, l’ambition, de l’épiscopat ; il l’avait pourtant, et comme il sentait aussi qu’il ne pouvait être qu’un évêque de hasard, il guettait soigneusement l’occasion. Dès le commencement des querelles entre Chrysostome et tes deux conciles, il s’était posé en ennemi de l’enfant d’Antioche, dépassant tout le monde dans l’exagération de ses attaques, et cherchant à compenser par la notoriété des passions de parti l’obscurité de son mérite et le mépris dû à son caractère.

Sur ces entrefaites et vers le temps où Chrysostome partait pour son second exil, le vieil évêque d’Antioche, Flavien, s’éteignait après une longue maladie, et le parti joannite perdait en lui un appui considérable ; aussi la lutte paraissait devoir être très vive pour le choix de son successeur. Sévérien de Gabales et ses deux complices ordinaires, les sycophantes Acacius et Antiochus, tous trois Syriens, partirent de Constantinople comme pour regagner leurs diocèses ; mais, se glissant secrètement dans Antioche, ils s’y cachèrent, afin d’observer eux-mêmes ce qui allait se passer et d’intervenir au besoin ; ils s’étaient munis d’ailleurs d’ordres et de pleins pouvoirs de la cour pour faire agir dans un sens ou dans l’autre l’autorité civile et l’autorité militaire. Le moment de l’élection approchant, les compétiteurs se présentaient en grand nombre. Le clergé se scindait en deux parts ; mais le peuple penchait en masse du côté du prêtre Constance, cet ami de Chrysostome dont nous avons parlé à propos de la mission de Phénicie, et qui devait la faveur populaire non moins, à ses vertus personnelles qu’à sa fidélité pour l’exilé. Porphyre, au milieu de ces débats, gardait sa place d’homme de parti, prêchant l’exclusion de tous les joannites, et ce ne fut que par des distributions d’argent considérables dans les dernières classes du peuple ou dans le bas clergé qu’il révéla sa propre candidature. On ne la prit pas d’abord au sérieux, tant l’homme était jugé indigne ; pourtant Sévérien et ses compagnons, convaincus de son habileté, s’abouchèrent secrètement avec lui, et leur pacte donna au projet de Porphyre une consistance qui lui manquait. Il fut reconnu dans ce petit conciliabule qu’on ne pouvait réussir que par surprise ; on se distribua les rôles, les évêques de la cour prévinrent le commandant de la force armée, et on se tint sur ses gardes pour saisir aux cheveux l’occasion.